Affaire Bygmalion: ce que révèle l’enquête diffusée par Envoyé Spécial

Une enquête diffusée jeudi sur France 2 révèle les coulisses du système de double facturation mis en place pour masquer l’explosion des dépenses de campagne de Nicolas Sarkozy en 2012. La fraude aurait débuté plus d’un mois avant l’élection.

Le reportage, très attendu, a été regardé par 3,5 millions de téléspectateurs. Le magazine Envoyé Spécial a diffusé jeudi sur France 2 une enquête détaillée sur l’affaire Bygmalion. Lors de la dernière élection présidentielle, l’UMP est soupçonné d’avoir mis en oeuvre avec cette société de communication un système de double facturation pour qu’une partie des dépenses du candidat Sarkozy, estimé à 18 millions d’euros, ne figure pas dans ses comptes de campagne.

L’enquête de France 2 s’articule autour d’un certain Franck Attal. Ce spécialiste de l’événementiel au sein de Bygmalion était chargé en 2012 d’organiser les meetings de l’ancien chef de l’Etat. Mis en examen pour « complicité de financement illégal de campagne électorale », il raconte à France 2 les coulisses de la dernière élection présidentielle.

Le meeting de Villepinte, plus de 5 millions d’euros

C’est le 19 février 2012 que la campagne de Nicolas Sarkozy dérape. A l’issue d’un meeting à Marseille, facturé 777 000 euros, l’entourage du président exige à Bygmalion des réunions de plus grande ampleur, dotées de « moyens dignes du cinéma », affirme Franck Attal. Nicolas Sarkozy va alors multiplier les meetings pour refaire son retard sur François Hollande.

Une première alerte est donnée le 7 mars. Une note rédigée par un expert-comptable et adressée à Guillaume Lambert, alors directeur de campagne de Nicolas Sarkozy, demande de limiter les dépenses. Sous peine d’exploser le plafond autorisé, fixé à 22,5 millions d’euros. Mais la machine est en branle, elle ne s’arrêtera plus.

Le 11 mars, Nicolas Sarkozy tient son grand meeting de Villepinte. Son coût: plus de 5,5 millions d’euros. C’est alors que germe l’idée du système de double facturation, destiné à masquer l’explosion des dépenses. Franck Attal explique que l’idée lui a été soumise à la fin du mois de mars par Jérôme Lavrilleux, directeur adjoint de la campagne du chef de l’Etat.

L’idée est simple: maintenir le rythme des meetings et faire facturer à l’UMP une partie des dépenses de campagne, sous couvert de réunions thématiques fictives pour le parti de droite. « J’ai une sensation qui me dit ‘tu es piégé' », confie Frank Attal à France 2. S’il reconnaît ce système de fraude, qu’il nomme « ventilation », Jérôme Lavrilleux en conteste le calendrier. Il assure que la double facturation a été mis en oeuvre à l’issue de la campagne et de ses 48 meetings. Un document comptable dévoilé par Envoyé Spécial révèle ainsi que la fraude a commencé le 29 mars 2012.

Interrogé par France 2, le cofondateur de Bygmalion Guy Alvès confie avoir été contraint d’accepter ce système frauduleux « au risque de couler la boîte ». De son côté, l’UMP s’est vu facturer une série de rencontres thématiques fictives par Bygmalion, qui n’ont évidemment jamais vu le jour.

Nicolas Sarkozy a refusé de répondre

Selon Envoyé Spécial, le budget consacré par le parti à ces conventions est passé en 2012 de 100 000 euros à plus de 23 millions d’euros. Jean-Francois Copé, alors secrétaire général de l’UMP, affirme ne pas avoir été au courant de cette fraude. « Je ne voyais pas un chèque ou une facture. Je ne m’occupais pas de ça. »

Le principal intéressé, Nicolas Sarkozy, a refusé de répondre aux sollicitations d’Envoyé Spécial. Le candidat à la primaire à droite a été mis en examen pour « financement illégal de campagne électorale » pour avoir, en qualité de candidat, dépassé le plafond légal des dépenses électorales. Le parquet a demandé son renvoi en correctionnelle.