Guignols, petits meurtres entre amis

nicolas-sarkozy-et-segolene-royal-en-guignols-de-l-info_878074Monsieur de Sarcosie est aux anges : le n’a-t-on point surpris à chanter à tue tête : « Poupées de cire, poupées de cons » ? Jamais il ne sembla si enjoué, si gai, à fredonner tel le pinson d’avril. Son excellent ami Monsieur de Bolloré, qui préside aux destinées d’un salon jadis très couru, vient en effet de couper le sifflet de ces maudits Guignols que le Bref exécrait.

Cette petite coterie, ruineuse et toute d’irrévérence, commençait à lui taper sur le système : il décida donc d’y faire un vigoureux ménage, mais, tout à sa précipitation, il se montra oublieux du calendrier : en cette fin de printemps, la saison des meurtres n’était point encore ouverte. Mal lui en prit donc : la Cour s’émut de n’être un jour plus croquée sous des atours tantôt potaches, tantôt cruels.

Larmes de crocodiles ! Ma chère et tendre, ils s’en vinrent, ces courtisans avides de notoriété, à pleurnicher dans les gazettes à des fins de sauver ces poupées à leurs effigies dont ils tiraient force gloire. Même Monsieur de Juppé, qui semble parfois gagné par les fièvres du jeunisme, fit mine de déplorer la fin programmée de ces marionnettes. La vérité commande d’avouer qu’il se trouvait fort aise d’y voir son rival le Bref brocardé et moqué avec une constance qui forçait l’admiration et faisait les délices de ses ennemis.

Ma mie, vous savez le proverbe qui veut que qui trop embrase mal éteint : sitôt passée la polémique, le soufflé retomba tel un bonnet afghan. Vint la touffeur de l’été, une saison si propice aux petits meurtres entre amis.

Sachant la Cour déserte et Paris libéré de ses harengères, Monsieur de Bolloré remis son ouvrage sur le métier et s’empressa de congédier les auteurs du livret de ces marionnettes.

Et personne ne moufta. Ni vu ni connu, les Guignols furent condamnés à subir le sort de Saint Denis, l’infortuné céphalophore.

Plus avisé qu’à la fin du printemps, Monsieur de Bolloré, qui compte ses deniers, prit cette fois grand soin de laisser révéler les émoluments pharaoniques des librettistes, ce qui eut l’effet de calmer in petto les derniers aficionados d’un salon qui, confessons-le, avait beaucoup perdu de son lustre.

D’aucuns, sans doute aigris de n’y point figurer en bonne place, se fendirent d’une oraison funèbre toute de fiel et de rancœur. Mais les faux culs ne manquèrent point à l’appel : indignations, trémolos, larmichettes, regrets éternels, condoléances… Ha ! Les cuistres ! Ils ne daignaient plus s’y produire, sifflant avec dédain que seuls les ministres s’y trouvaient encore choyés, à la demande pressante des mages et imagiers du roi qui s’esbaudissaient à l’idée que l’on y chantât si talentueusement les louanges de la doxa sans culotte.

Le chanoine de Caunes, à présent relégué en la crypte, en fut le malheureux anchorman, un maître de cérémonie certes digne de son rang mais un peu translucide, tout de componction et de bienveillance avec ses invités.

Lassé de cracher au bassinet, agacé de constater que d’autres salons faisaient salle comble pendant qu’il se trouvait à compter les chaises vides, Monsieur de Bolloré s’en remit à l’invention du docteur Guillotin à des fins d’apurer ses comptes et redresser la barre d’un navire qui gitait dangereusement à bâbord. « Avec ma machine, je vous fais sauter la tête, et vous ne souffrez point… Tout au plus le condamné ressent-il une impression de souffle frais ».

Un temps séduit par les pratiques des Indiens Navajos qui s’entendent à réduire les têtes, tout également tenté par le vaudou, Monsieur de Bolloré préféra in fine s’en remettre aux bonnes vieilles méthodes « Made in France ».

Ma chère et tendre, s’il est une chose dont il faut nous éjouir, c’est celle de savoir que les étés sont immanquablement meurtriers.