Primaire de la gauche: « Les laïcités qui divisent »

Au cours du débat d’entre deux tours de la primaire à gauche entre Manuel Valls et Benoit Hamon, deux visions de la laïcité se sont opposés. Qui des deux candidats à raison? « Aucun », nous dit Asif Arif, avocat et directeur du site Cultures&Croyances.

Malgré les récentes dichotomies de la gauche, on pensait qu’une question aussi centrale que la laïcité allait les rassembler. Au Parti socialiste, cette question a pourtant divisé et entame maintenant le peu de cohésion qu’il restait au sein de la formation politique.

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Au cours du débat d’entre deux tours de la primaire à gauche, chacun des candidats a fait part de sa définition. Il faut le dire, Benoît Hamon a une vision plus proche de la loi de 1905 que Manuel Valls, et cela pour plusieurs raisons objectives. Mais le débat a des conséquences: la laïcité a été atteinte. Chaque fois qu’elle était évoquée, les protagonistes abordaient des questions sans lien avec cette dernière ou cantonnaient la laïcité au fait religieux musulman, alors qu’elle vise un idéal bien plus large de vivre-ensemble.

La loi sur le voile intégral: de la laïcité qui n’en est pas

La loi de 2010 sur l’interdiction du voile intégral adoptée par le Parlement après de longs débats houleux n’est pas fondée sur la laïcité. Et pourtant, les candidats de la primaire à gauche nous laissent le penser. Dans un avis juridique publié par le Conseil d’Etat, il est clairement précisé que la loi ne trouve pas son application dans la laïcité de l’Etat, la dignité de la personne humaine ou encore l’égalité homme-femme, mais dans l’ordre public.

Pourtant, mercredi, la burqa est revenue sur la table, tout comme le voile, signe religieux apparemment central dans le débat sur la laïcité. Outre le fait qu’aucun autre signe religieux n’ait fait l’objet d’un débat, la laïcité devient l’apanage de l’islam, alors que d’autres communautés religieuses existent dans notre pays. A ne parler que des musulmans, on en oublie la finalité de la laïcité: permettre le vivre ensemble et la cohésion sociale, et non créer des catégories de citoyens opposées les unes aux autres.

La laïcité est détournée de manière absurde. Les femmes voilées sont essentialisées. On en oublierait presque qu’un homme qui tente d’asservir une femme n’est pas dans le non-respect de la laïcité mais dans la violence faite à une femme, qui dépend du Code pénal.

Le Front national, gagnant du débat

Ne serait-il pas plutôt préférable de faciliter l’intervention des forces de l’ordre dans les foyers familiaux où des violences sont faites aux femmes? Ne devrions pas plutôt condamner les employeurs qui refusent de recruter une femme voilée sous prétexte que leur apparence ne leur convient pas?

Au fond, qui mène la danse dans ce combat? Le Front national, qui a réussi à faire passer sa vision biaisée de la nationalité. Elle a réussi à parler d’une laïcité judéo-chrétienne alors que son propre est d’être neutre et de ne pas viser ou favoriser une religion en particulier.

En réalité, pour clore ce débat, il faut en revenir aux deux piliers posés par le Conseil d’Etat: une obligation positive visant à assurer la liberté de conscience et une obligation négative en se reconnaissant une incompétence en matière cultuel. Dans ces circonstances, ni Manuel Valls ni Benoît Hamon ne sont légitimes à discuter des détails vestimentaires des femmes.