François Hollande et le scénario de sa propre fin

Le quinquennat de Franois Hollande s’coule avec ce seul marqueur : il n’est pas l’autre. Et l’pope revancharde engage par Nicolas Sarkozy renforce, bien sr, cette tendance.

Dans la vie en général, et dans la politique en particulier, il faut réussir sa sortie. Quand on est président de son pays, l’impératif atteint même une dimension sacrée : c’est l’entrée dans l’Histoire qui se joue, cette unique apothéose offerte aux dirigeants des temps modernes.

Charles de Gaulle, pariant son mandat à quitte ou double sur un référendum puis choisissant la lande irlandaise en guise de limbes d’après-pouvoir, atteint une grandeur médiévale. François Mitterrand, lui, inscrit sa lutte contre le cancer en filigrane de sa tournée d’adieux, et cette ambiance de requiem confère à ses ultimes discours des airs de testament. Ceux qui meurent au pouvoir, tels Georges Pompidou ou, aux Etats-Unis, Franklin D. Roosevelt ou John F. Kennedy, profitent d’un tremplin tragique qui les propulse directement dans la postérité (c’est moins vrai pour Félix Faure…).

Le crépuscule en rose média d’Obama

Aujourd’hui, Barack Obama engage son charisme dans une autre mise en scène : il bondit de symbole en symbole, sans grand souci de leur avenir. Ainsi, en quelques jours, il a célébré la signature d’un accord avec l’Iran censé garantir la paix, s’est réjoui de la réouverture des ambassades entre La Havane et Washington, a effectué un périple africain en commençant par le Kenya, terre de ses ancêtres, et relancé le processus de fermeture de Guantanamo, promesse phare de sa campagne de 2008. Tout cela ne fait ni un nouvel ordre mondial, ni de Cuba une démocratie, encore moins une politique africaine ou une stratégie plus efficace contre l’islamisme, mais le président américain marque ainsi les écrans, donc les esprits. Il peint son crépuscule en rose média et glisse vers la fin de son mandat à la mode hollywoodienne, comme un cow-boy à l’ultime plan d’un western.

A l’école Obama, moins l’on a de puissance, plus il faut avoir de prestance : le Congrès peut entraver son action, pas effacer son incarnation. Rien ne l’empêche d’être le héros des temps modernes, moins remarquable par ce qu’il fait que par ce qu’il est. En réalité, presque tout Obama tient dans son élection et presque rien dans sa fonction : qu’un Noir accède à la tête de la première puissance mondiale eut un impact mondial, qu’un prix Nobel de la paix vint consacrer, sans que la suite le justifie.

Le choix entre deux modèles d’échec

Toutes choses égales par ailleurs, François Hollande souffre du même mal que Barack Obama : les circonstances de sa victoire électorale étouffent son mandat. Placide et prudent, il fut en 2012 le bénéficiaire de l’humeur française du moment, c’est-à-dire le rejet, par fatigue, agacement ou allergie, de l’agitation sarkozienne. Comme un fleuve coloré par le sable de sa source, son quinquennat s’écoule avec ce seul marqueur : il n’est pas l’autre. Et l’épopée revancharde engagée par Nicolas Sarkozy renforce, bien sûr, cette tendance. Sans en être la cause essentielle, cette caractéristique explique en partie l’impopularité de François Hollande : il a toujours besoin, pour être apprécié, d’être comparé à son prédécesseur.

Lors de la prochaine présidentielle, si le second tour les confronte encore, les Français auront le choix entre deux modèles d’échec. Et, comme en 2012, le peuple sera privé d’un scénario de fin de règne : quand on brigue un second mandat et qu’on mord la poussière, le couperet de la défaite tranche la fin du film, c’est comme un rideau qui tombe sans saluts. Ainsi chut Sarkozy il y a trois ans, ainsi pourrait bien choir Hollande dans deux. A moins qu’il renonce à se présenter, parce que le chômage n’aura pas reculé – seule raison acceptable à ses yeux, puisqu’il en est l’auteur.

Hollande pourrait alors espérer, malgré tout, sortir du pouvoir par le haut en multipliant les réformes courageuses – mais il n’en aura pas le temps – et en adoubant le candidat de son choix à gauche – mais il n’en aura pas l’autorité. Alors il quittera moins la scène du pouvoir qu’il ne tombera dans le trou du souffleur… Sa seule solution, s’il veut écrire le scénario de sa propre fin, est… d’être réélu, afin d’ajouter à la joie de défaire les oracles la certitude de clore, en 2022, une ère que les historiens appelleront « la décennie Hollande ».