Tonton mayonnaise

francois-hollande-grimace-2013- Il nous saoule, nous endort, nous enfume, nous corne les oreilles avec ses bobards éventés. Feint-il ? Ment-il ? Abuse-t-il ? Par le Diable, qui peut encore croire à ses aphorismes de fin de banquet ? Viendra-t-il une âme charitable à lui mander qu’il serait bienfaisant qu’il cessât de rabâcher à l’envi les mêmes promesses conjuratoires tout ainsi qu’un grand prêtre vaudou qui aurait égaré son bréviaire de tours de magie ?

Ma chère et tendre, nous vous sentons curieuse de savoir qui peut ainsi oser décaniller notre roi, en cette fin d’été où il nous faut nous rendre à l’évidence : le Flou, notre Tonton mayonnaise, reste un incorrigible baratineur ! Ha ! Il nous faut vous conter que, durant la trêve estivale, propice aux nouvelles rencontres, nous fîmes la connaissance d’une marquise au verbe haut, dont la truculence s’épand telle une ombre maléfique sur la faconde d’Artois qui ne peut guère la blairer, ainsi que vous l’avez deviné sans peine aucune.

Baratineur

Ce vieux jaloux ne tolère nulle rivalité, nulle concurrence : il aime à régner sur les soupers, s’entend à confisquer la parole et ne tolère nulle contradiction. Serait-il la vérité incarnée, la justice immanente ?

Nous avions convié cette pétulante marquise à souper, de façon informelle, sans chichis, à des fins que nos deux oiseaux fissent connaissance. Confessons-le sans fard : ce fut une funeste erreur. Artois se tint fort mal, s’affranchissant sans vergogne aucune de l’étiquette au point de picoler comme un boyard et de s’en venir à brailler les insultes les plus vertes de son répertoire dûment abondé par sa fréquentation des mauvais garçons.

La marquise, dont nous tairons le patronyme ô combien célèbre en Cour, est de la meilleure extraction : son sang-froid, inoxydable, fut digne de son rang. Voici qui provoqua l’ire d’Artois qui ne parvint nullement à la faire sortir de ses gonds.

Se croyant en terrain conquis, sûr de lui et dominateur, Artois dégaina le premier en qualifiant le roi de bonimenteur de fin de marché.

– Bonimenteur ? Cher comte, votre mansuétude vous égare…

– Mansuétude ? Marquise, vous me moquez ! Votre compliment est une insulte !

– Une insulte ? Mais vous n’y êtes point, mon ami. Vos sarcasmes, vos fagots, vos indiscrétions de valet de pied n’amuseraient pas même un gynécée de jouvencelles un peu niaises.

– Madame, devrais-je considérer que vous ouvrez les hostilités ?

– Comte, vous m’amusâtes autrefois lorsque vous teniez la chronique de Cour dans une fameuse gazette, mais à présent votre public s’étrécit comme pupille de chat aveuglé par le soleil.

– Madame, cette pique me fend le cœur ! Votre rang vous confère-t-il la licence de me ridiculiser ainsi ?

– Et comment, Armand ! Croyiez-vous un moment nous faire forte impression lorsque vous vîntes à critiquer le roi ?

– Seriez-vous Madame adepte de la secte des sans culottes ?

– Point, mon bon. Cependant je n’en éprouve point l’impérieuse nécessité de trouver refuge dans les jupes du Bref ou de la Marinella.

– Seriez-vous alors entichée du doge de Bordeaux, coqueluche des maisons de retraite ?

– Caramba, comte : encore raté !

– Monsieur de Fillon, ce somnifère, aurait-il vos faveurs ?

– A côté de la plaque ! Votre temps d’attente est épuisé, veuillez renouveler votre appel ultérieurement.

Fièvres barbaresques

Assez imbibé pour avoir langue déliée, Artois invectiva la marquise :

– Vous vous foutez de ma gueule, Madame…

– Il vous est loisible de considérer les choses ainsi…

La marquise, forte femme aux formes généreuses, toisait son adversaire de ses grands yeux de braise, sans faillir un moment à son flegme marmoréen. Voici qui mettait Artois hors de lui : les quinquets exorbités, la bave aux lèvres, tremblant de tous ses membres, comme saisi par les fièvres barbaresques.

– Comte, vous buvez comme un tas de sable, vos esprits s’en trouvent altérés et votre jugement pâtit de vos abus de cet excellent brut millésimé…

– Que l’on fasse tomber une autre roteuse ! Cousteau, on voit le fond !

– Philippe, vous vous prenez de trop de champagne…

– J’ai la menteuse comme un matelas ! Je m’en tape le cul au lustre ! A boire ! Et fissa !

– Comte, votre éducation semble s’être dissoute dans les bulles…

– Toi, la Gravôsse, ta gueule !

– Philippe, nous ne pouvons en supporter davantage ! Nos gens vont vous reconduire et vous prodiguer les soins qu’appelle votre ivresse de garçon de ferme !

– A la santé du Flou ! Cul sec ! A la santé de ce prince du baratin, de ce seigneur du bobard, de ce roi des craques. L’avez-vous seulement entendu, ce bouffon, jurer sur la couronne qu’il n’augmenterait plus les impôts ?

– Le voici en effet qui s’apprête à lever une nouvelle taxe sur les images et les tablettes…

Curé défroqué

– L’avez-vous encore entendu jurer, cochon qui s’en dédit, qu’il terrasserait l’hydre du désœuvrement ? L’avez-vous toujours entendu promettre, tel un curé défroqué, que la croissance serait au rendez-vous ? Bernique, que dalle, des nèfles, pipeau ! A présent que le Céleste empire n’a même plus de quoi offrir le riz de midi à ses sujets, croyez-vous un moment que notre royaume va retrouver les couleurs de la prospérité ? Nous nous sommes faits niquer, berner, abuser, par les menteries éhontées de ce roi de patronage !

– Reprenez-vous, Philippe : vous voici rouge tel un homard.

– Ha ! Vous voici beau, comte, de vous épandre en imprécations ! Vos amis, les séides du Bref, professent-ils des solutions miracles, sorties tels des lapins blancs de leurs chapeaux ? Ils sont là, à aiguiser le fil de leurs dagues, prêts à sacrifier au rituel de la Nuit des petits couteaux.

– Impertinente ! Sans foi ni loi, ni Dieu ni maître ! Seriez-vous, marquise, des zélotes de ce Monsieur Varoufakis, du barde Mélenchon ainsi que du duc de Montebourg, un beau trio d’aigrefins ! Une marquise rouge, une pasionaria, en ces murs !

– D’aucuns, plutôt noirs que rouges s’essaient à défendre les gueux qu’au fond d’eux mêmes ils méprisent, non un certain succès… Faut-il les craindre en ces temps où les carottes du Flou semblent cuites ?

– Que le cul lui pèle !

– Philippe, vos grossièretés offensent nos oreilles.

– Madame, vous semblez bien assurée de votre jugement…

– Ha ! Comte, vous n’avez point observé que le roi avait dès à présent pris grand soin d’offrir rentes et charges confortables à ceux de ses proches qui pâtiront de son exil.

– Exil ? Ne craignez-vous point Madame d’user d’un langage pour le moins excessif ?

– Il se mande à la Cour que le Flou se serait déjà soucié de son devenir après qu’il aura perdu la Couronne…

– La fuite à Varennes ?

– Ou à Sigmaringen : si la reine de Prusse donne son consentement, ce qui n’est point gagné.