Salon de l’agriculture: échanges « rugueux » lors de la visite de Manuel Valls

Après l’inauguration mouvementée du Salon de l’agriculture par François Hollande, Manuel Valls a eu des échanges « rugueux mais respectueux » avec les éleveurs en colère. « Vous êtes les pantins de l’Europe », lui a lancé l’un d’eux, alors que le secteur est en crise.

C’est au tour du Premier ministre de rencontrer les agriculteurs en colère de la Porte de Versailles ce lundi dès potron-minet. Manuel Valls est arrivé ce lundi peu avant 7h au Salon de l’agriculture, à l’heure de la traite, bien avant le débarquement des visiteurs mais quand les allées des éleveurs sont déjà pleines. La visite, compliquée à gérer pour Matignon, doit durer 5 heures.

Il a été accueilli dans le calme par des éleveurs soucieux de le sensibiliser à la grave crise du secteur. Mais un calme tendu tout de même. Manuel Valls a eu des échanges « rugueux mais respectueux » avec eux, deux jours après une inauguration ponctuée de sifflets et d’insultes par le chef de l’Etat. Quelques huées et quolibets ont salué sa déambulation dans la partie réservée aux éleveurs de vaches laitières, les plus remuants, qui avaient déjà sifflé et insulté le président François Hollande lors de sa visite samedi.

« Va te cacher. T’as rien compris petit zizi, tu vas pas changer l’Europe », lui a hurlé l’un d’eux. Un grand panneau avec une bâche noire avait été dressé, frappé du slogan: « je suis le top de la qualité française mais ma passion ne suffit plus ». « On a l’impression d’être abandonnés », a lancé à l’adresse du Premier ministre Claude Duval, installé depuis 1973 et qui possède 100 vaches laitières. Ce à quoi Manuel Valls a répondu: « on est conscients de vos problèmes ».

« Ils en ont rien à foutre de l’agriculture! »

« Vous êtes les pantins de l’Europe », lui a lancé François, éleveur dans l’Eure, avant d’ajouter: « ils sont là pour se pavaner mais ils n’ont aucun pouvoir et nous on crève ». Le Premier ministre lui a répondu sur le même ton: « On vient tous les ans. C’est toujours la même chose. Si on ne vient pas, on est des trouillards, si on vient, on vient se pavaner ». L’agriculteur a reproché au gouvernement un manque de résultats. « C’est quoi les résultats pour vous? », lui a demandé le Premier ministre. « Ben le lait, il est payé zéro euro », a-t-il répondu. « Et vous pensez que c’est en claquant des doigts… », l’a interrogé Manuel Valls.

Interrogé par d’autres éleveurs sur la vision « libérale » de Bruxelles, le Premier ministre a estimé qu’il y avait « une prise de conscience » au niveau européen « de la gravité de la crise ». « Il ne faut pas que ce pilier-là (l’agriculture) s’effondre », a-t-il ajouté. « C’est de l’esclavage! On est 200 ans en arrière dans l’agriculture. Ils en ont rien à foutre de l’agriculture! », a crié un éleveur en direction de Manuel Valls et du ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll. Le Premier ministre était également accompagné par le président de la FNSEA, le principal syndicat agricole, Xavier Beulin, deux jours après une visite tendue et ponctuée d’insultes du président François Hollande

Sécurité « moins massive »

Comme pour François Hollande samedi, le début de sa visite s’était déroulé dans le calme. Le président avait essuyé ses premiers sifflets une heure plus tard. Un journaliste d’Europe 1 sur place indique d’ailleurs que quelques « insultes » fusent autour du Premier ministre, et des « huées » montent des rangs des éleveurs. La sécurité serait « moins massive » que lors de la visite de François Hollande. Un autre du Parisien cite un agriculteur, selon qui « le mot d’ordre, c’est d’ignorer » Manuel Valls et Stéphane le Foll.

Les agriculteurs « veulent l’apaisement »

« On veut faire passer le grand cri de détresse des éleveurs dans les campagnes », a expliqué José Baechler, un éleveur du Lot-et-Garonne qui devait participer ensuite à un petit-déjeuner avec le Premier ministre. Interrogé sur l’accueil prévu pour Manuel Valls, l’éleveur a souligné que les producteurs « veulent l’apaisement » mais souhaitent que leurs « propos soient entendus ». « Le problème (de vente sous les coûts de production, ndlr) récurrent depuis quelques années atteint maintenant un niveau vraiment insupportable », selon José Baechler, qui a jugé insuffisantes les annonces d’aides faites jusqu’à présent.

Les éleveurs attendent « des prix rémunérateurs », il faut que le lait soit payé par les laiteries au minimum à 350 euros la tonne (35 centimes le litre contre 30 voire parfois 27 actuellement), et « pour bien réinvestir, il faudrait avoisiner les 400 euros », a-t-il estimé. Le passage du Premier ministre intervient à quelques heures de la fin officielle des négociations commerciales entre les industriels et la grande distribution (GMS), accusée de tirer les prix vers le bas en entraînant les agriculteurs dans cette spirale infernale.