Le coryphée des faux-culs

francois-hollande-173_5406609Sire, une question vient à nous hanter : l’âge venu, seriez-vous enfin rallié à la cause divine, mécréant que vous fûtes ? Les rois seraient-ils tout ainsi que les courtisanes qui se donnent à Dieu lorsque le Diable n’en veut plus ?

Sire, vous vîntes à confesser en un livre que nous eûmes la grâce de parcourir. Quel ne fut pas notre émoi ! Les aveux d’un roi sont choses si rares, si inouïes que nous en restâmes un moment comme deux ronds de flan.

Etait-ce bien là le destin d’un monarque de s’en aller confier ses doutes et ses remords à une gazetière qui n’en néglige nulle miette ? Cette étrange venue à résipiscence nous plongea un court moment dans la plus dense des perplexités. Par le Ciel, le roi qui n’est point cul béni, s’est-il mué en faux dévot, en faux-cul, pour autant que vous daigniez, Sire, nous pardonner cette offense.

Nous nous étions accoutumée des « Non, je ne regrette rien », nous nous en étions lassée, tout autant que de vos harangues conjuratoires, de vos incantations de grand prêtre à la ramasse.

Vous-même, Sire, étiez sans doute gagné par le doute : « Mes sujets m’entendent-ils encore, sommes-nous habité par le sortilège du onze janvier qui fit de nous une sorte de roi-soleil ?

Durant l’été torride qui nous accabla, vous ne restâtes point hébété, écrasé de chaleur, ainsi que nous le fûmes lorsqu’il vous vint l’idée de nous bâter de si lourds impôts que nous ployâmes en implorant la pitié céleste.

Bourgeois de Calais

Vous mîtes, Sire, cette trêve estivale à profit et convoquâtes votre sanhédrin intime, vos mages et maîtres à penser de premier rang : vous les tirâtes de leurs villégiatures et c’est en pestant qu’ils se trouvèrent à plancher sur un nouveau charabia que vous nommez si hypocritement « éléments de langage ».

Ils passèrent un été studieux, loin des plages, tout à s’écharper, se chamailler, s’engueuler et s’étriper. Mais pour cette fois, après une mise bas un peu compliquée, ils convinrent de vous suggérer de faire vôtre la partition de la contrition.

Lorsqu’ils vinrent à vous soumettre le fruit de leurs exercices de presse-méninges, vous vous fâchâtes ; l’on nous rapporta que vous vous écriâtes : « Nous avons coltiné tous les sobriquets, mais nous ne pouvons tolérer de nous en aller mander à nos sujets, tel un bourgeois de Calais, que nous fûmes nul ! Ne hasardez plus de nous moquer : nous sommes le roi de France.

Les mages, vertement tancés, plongèrent le nez dans leurs grimoires, attendant que l’orage passât, spéculant en loucedoc sur la versatilité d’un monarque capable de mander noir le lundi et blanc le mardi.

Médiocres mazarinades

Quelques lunes passées, vous convoquâtes à nouveau vos mages, tout gonflés d’arrogance, prêt que vous vous montrâtes à entendre leurs médiocres mazarinades.

Parvinrent-ils enfin à vous convaincre ? Certes, Sire, vous vous gardâtes de solliciter le Grand pardon qu’ils entendaient vous infliger. Mais vous acceptâtes néanmoins de battre votre coulpe et confiâtes donc à cette célèbre gazetière que vous auriez du proroger le relèvement de la taxe sur la valeur ajoutée décrétée par votre prédécesseur Nicolas le Bref à des fins d’épargner à vos sujets les hausses qui les frappèrent lors de l’exécution des budgets.

Cet aveu, Sire, nous coupa le sifflet. Puis, toute à notre réflexion, nous vînmes à comprendre pour quelle raison vous décidâtes de baisser les impôts : absolvez, Sire, la licence de l’ironie qui nous incite irrémissiblement à vous considérer comme un illusionniste un peu gourd, ainsi que manchot, ce qui est fâcheux dans la praxis de cet art divinatoire.

Sire, vous n’avez point le premier liard pour financer cette baisse ! L’on ne peut un moment s’abuser et mordre à cet hameçon, telles des carpes farcies de vos bobards.

Et puisque vous étiez à tricoter des aveux dignes du premier vide gousset venu, vous n’hésitâtes point, Sire, à pleurnicher sur l’état de délabrement de votre coterie : « Nous avons fait le pari que la gauche était devenue mature, que, minoritaire dans le pays, elle serait capable de comprendre qu’elle devait faire bloc pour gouverner : mon constat, c’est qu’une partie de la gauche ne l’admet pas ».

Noé dans son arche désertée

Sire, voici qui, assurément, ne recollera point les morceaux de la faïence cassée. Ce n’est point livrer secret que mander qu’à présent, vous voici tel Noé errant dans son arche désertée, ballotée par les courants contraires, telle un frêle esquif sur le point de s’en aller se fracasser sur les récifs.

Nous fûmes surprise par cette autocritique, digne des extravagances cruelles de la Révolution culturelle qui ensanglanta jadis le Céleste empire. Vous verrait-on sous peu arpenter les rues de Paris, ceint d’une cangue adornée de slogans vous couvrant d’opprobre ? « Vipère lubrique, hydre capitaliste, tigre de papier » : sinistres formules qui causèrent la mort du vice-roi Liu Shaoqi.

Souffrez, Sire, que vous nous vous livrions une confidence : en tirant la porte de ce confessionnal, nous avons deviné que vous entendiez reconquérir le cœur de vos sujets, en leur tenant un langage de vérité, d’humilité, de modestie, à des fins qu’ils ouvrent à nouveau leurs esgourdes et se montrent chavirés de l’aveu de vos péchés. Vous absoudront-ils ? Se laisseront-ils abuser par votre coup de bluff ? Qu’il ne s’agit là que d’un stratagème de communiquant persuadé que le pardon lave plus blanc que blanc ?

Leonarda

Avez-vous donc, Sire, l’intention de persister dans ce rôle de coryphée du bal des faux-culs ? Le job peut s’avérer mortifère : que manderez-vous lors de votre prochaine harangue de rentrée ?

– Que vous regrettez d’avoir couvé cette épouvantable gamine, Leonarda, qui vous fit éhontément chanter ?

– Que vous regrettez de vous être montré si goujat avec cette enquiquineuse de Madame d’Alors ?

– Que vous regrettez d’avoir promis de terrasser le désœuvrement ?

– Que vous regrettez encore d’avoir mené le royaume au désenchantement et à la ruine ?

– Que vous avez commis des erreurs de débutant, et que vous ne vous amendâtes qu’après la tragédie qui accabla la France au début de cette année ?

Sire, souffrez, pour finir, que l’on vous mande le plus effrontément du monde, que vous celez un immense talent que vous exploitez à merveille. Celui de vous tirer des balles dans le pied.