Myriam El Khomri chez Pôle emploi: « Bonjour, je suis la nouvelle ministre »

A peine nomme, la remplaante de Franois Rebsamen a visit une agence Ple emploi parisienne. Un nouveau style de communication face au flau du chmage. Reportage.

« Bonjour, je suis la nouvelle ministre de l’Emploi. J’ai été nommée aujourd’hui. » Il est 16h25 et Myriam El Khomri vient de descendre de sa Peugeot 508 grise pour s’engouffrer dans l’agence Pôle emploi de l’avenue Armand Carrel, dans le XIXe arrondissement de Paris. Il s’est écoulé à peine trente minutes entre ses premiers mots sur le perron du ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, où elle a succédé à François Rebsamen, et sa visite auprès de l’organisme dont elle devra commenter chaque mois les statistiques, jusque-là moroses.

« Tous les mois à l’annonce des chiffres du chômage, j’aurai une pensée émue pour toi », lui a lancé son prédécesseur, qui a peu goûté ces « moments de solitude ». Pour l’heure, Myriam El Khomri prend ses marques avec le sourire. Le message envoyé est limpide: le chômage n’attend pas, alors la nouvelle ministre n’a pas traîné avant de faire ses premiers pas chez Pôle emploi. Coutumière des déplacements après un parcours à la Mairie de Paris et un poste de secrétaire d’Etat à la Ville, son agenda restera chargé en visites de « terrain ».

Son entrée se fait par « l’espace numérique » de l’agence, quelques bornes informatiques en libre-service. Une vingtaine de demandeurs d’emploi patientent en file indienne derrière les trois guichets d’accueil. A l’exception d’une grappe de journalistes venue immortaliser les premiers pas de la ministre à l’assaut du chômage, le hall est étonnamment clairsemé à une demi-heure de la fermeture.

« Une agence modèle »

14 000 chômeurs de toutes catégories sont inscrits dans cette agence, expliquent des conseillers, mais seuls 6000 sont effectivement en recherche d’emploi; les autres sont en formation, en contrats aidés, en intérim ou travaillent comme intermittents. Karine, énergique conseillère à l’indemnisation, observe le balai des médias et des proches de la ministre, dont elle a appris la venue une heure plus tôt. « Ici c’est une agence modèle », assure celle qui revendique « 15 ans d’institution » – Assedic puis Pôle emploi -, dont « plus de 5 ans » dans le XIXe arrondissement. « Les services sont bien structurés. Chaque étage a un manager. On n’a pas le temps de remplir toutes nos missions, mais on arrive à gérer l’urgence », juge Karine.

Derrière elle, Myriam El Khomri traverse la pièce au fil des poignées de mains. Chaque demandeur d’emploi placé sur son chemin a droit à quelques questions rituelles: « depuis combien de temps vous êtes au chômage? », « vous êtes en formation? », « vous êtes bien accueillis ici? », conclu d’un « merci et bon courage ». Dans la « zone de confidentialité » délimitée par un trait rouge au sol, un échange entre un chômeur et une agent d’accueil est filmée en gros plan par trois chaînes de télévision. « Pourquoi vous avez été radié, monsieur? », lance la salariée de Pôle emploi à un homme d’une cinquantaine d’années. Sa réponse est interrompue par l’irruption de la ministre.

« Nos offres, c’est le marché qui les crée »

Derrière le guichet, Mohand tente de garder un oeil sur les usagers malgré la frénésie ambiante. Ancien de l’ANPE, toujours spécialisé dans le placement des chômeurs, il ne prête pas beaucoup de pouvoir au ministre du Travail. « Il peut apporter des budgets pour les contrats aidés, mais le reste de nos offres, c’est le marché qui les crée. Quel est le pouvoir d’un politique pour ramener de la croissance? », s’interroge-t-il. Aujourd’hui, Mohand dispose de 500 à 600 offres d’emploi déposées par des entreprises, mais la plupart, estime-t-il, ne correspondent pas aux profils des demandeurs d’emploi.

« En période de chômage élevé, les postes faciles à pourvoir partent facilement par le bouche-à-oreille, explique Mohand. Les autres, ceux qui sont compliqués à combler, arrivent chez nous, mais les gens qui pourraient les occuper sont déjà embauchés, et ce n’est pas notre boulot de les débaucher! C’est comme ça que les employeurs en arrivent à dire qu’ils ont tenté de recruter par Pôle emploi, mais que ça n’a pas marché. » Le travail de Mohand consiste surtout à envoyer les chômeurs en formation, à les réorienter: « Il faut convaincre les entreprises de prendre quelqu’un qui se rapproche du profil, si l’on se charge de financer son adaptation. »

« Je me remets au travail »

« Adaptation », « formation », « mobilité »… Seules pistes concrètes évoquées pour faire baisser le chômage, les termes jalonnent la visite de Myriam El Khomeri. Au quatrième étage de l’agence, une réunion s’improvise entre la nouvelle ministre, des responsables de Pôle emploi et des représentants de l’Etat. « Quel est votre budget de formation? Comment l’aide à la mobilité se concrétise? », interroge Myriam El Khomri à l’adresse du directeur d’agence. « On va les laisser travailler à huis-clos », interrompt une chargée de communication, en train d’évacuer la presse vers le hall d’accueil où la ministre réapparaît une quinzaine de minutes plus tard.

Il est 17h05, l’agence vient de fermer ses portes et le hall d’accueil s’est vidé. Les caméras s’installent en arc-de-cercle pour capter les derniers mots de la ministre, au grand dam de son service de presse qui ne voulait pas d’un cadre « trop solennel ». « Je connais ces gens en situation de chômage », assure Myriam El Khomri, qui, dimanche dernier, évoquait encore le manque d’accès à l’emploi dans les quartiers sensibles lors d’une interview aux Echos. Dans les prochains jours, elle promet qu’elle parlera « aux acteurs de l’emploi mais aussi à ceux de l’entreprise ». La ministre est moins loquace sur les questions qui fâchent. La réforme du droit du travail? « Je prendrai connaissance du rapport qui nous sera remis. » Celle de l’assurance-chômage? « Merci, lance-t-elle en s’échappant, maintenant je vais me remettre au travail. »