Verdun: « J’irai courir sur vos tombes »

verduEn finira-t-on jamais avec cette symbolique de patronage? L’on a connu Monsieur Schlöndorff plus inspiré: quelle idée saugrenue d’avoir fait courir des milliers de jeunes au milieu des tombes à des fins de commémorer le centenaire d’une bataille de la Grande guerre?

L’affaire, ce marathon chez les Poilus, déchaîne présentement les réseaux sociaux qui, pour la circonstance, se peignent de bleu horizon. D’aucuns s’étranglent d’indignation, arguant que l’offense faite aux morts relèverait du crime contre la Patrie. L’extrême droite, qui n’en manque pas une, a sorti la grosse caisse à des fins d’ensemencer le terreau de l’indignation nationale, un refrain, un leitmotiv qui lui fut pourtant si familier…

Aurait-on le front de rappeler que ces lieux de mémoire, ainsi qu’il est convenu d’appeler de si chichiteuse façon ces champs de bataille qui viennent à encombrer nos esprits, n’ont jamais connu la sérénité qu’il sied d’observer en ces ossuaires?

130105092331595570A l’aube du siècle passé, le roi Poincaré, un fameux va-t-en-guerre, avait été brocardé avec une virulence inouïe pour avoir esquissé un sourire sur ce même champ de bataille. Il avait gagné un surnom qui lui colla comme mélasse: « L’homme qui rit dans les cimetières ».

Les gazettes du moment s’étaient surpassées en des termes qui seraient présentement passibles du cachot.

filer-of-german-chancellor-helmut-kohl-and-former-french-president-francois-mitterand_635807Plus proches de nous, l’ancien roi de Prusse, le Géant noir du Palatinat, Helmut Ier, flanqué de François le Fourbe, s’étaient laissés camper, « la mano en la mano » en ce même endroit, à des fins de sceller la réconciliation éternelle de la Prusse et de la France. Les gazettes de l’époque avaient ironisé de bien irrévérencieuse façon en peignant le roi de Prusse menant son petit garçon à l’école.

Pour cette édition, le roi de France et la reine Angela s’étaient entendus à des fins de magnifier l’événement et ainsi sortir du cérémonial conventionnel, empesé et poussiéreux de la commémo’, assorti de médailles et de larmichettes.

Caramba! Ce fut raté! Complètement raté! Le bide, le four!

Monsieur Schlöndorff, requis pour la circonstance, signa une scénographie des plus cul cul la praline, empreinte d’une naïveté qui aurait fait les beaux jours d’une association caritative en veine d’inspiration.

A vouloir ainsi sortir des sentiers battus, des sentiers de la gloire, le risque de se fourvoyer est immense.

Caramba! Ce fut un triomphe!

Le roi de France et la reine de Prusse, otages d’un cérémonial qui, avec le temps, se peint des allures d’une pénitence obligée, assortie de la gravitude et de la grandiloquence qui sont le calvaire des dynasties régnantes, avaient l’air de s’emmerder aussi profondément que dans un après midi en maison de retraite.

Du rappeur Black M, blacklisté sous la pression d’une droite et d’une extrême droite soudainement chavirés d’une observance patriotico-chatouilleuse, il ne resta que les tambours de guerre, cabossés avec un soin vétilleux, censés conférer quelque intensité dramatique à une liturgie pompée sur celle d’une parcours de santé au Bois de Boulogne.

Croix de bois, croix de fer, « Krieg gross Malheur ». Commémo’ gross Malheur aussi.