Droitisation ou lucidité?

Revues et magazines publient à l’envie, depuis plusieurs semaines, articles ou débats sur une prétendue droitisation du milieu intellectuel en France. Des noms sont cités, des textes commentés où les intéressés sont traités de néoconservateurs, si ce n’est de « néoréacs » et même de soutiens objectifs du Front national. Est-ce bien raisonnable et – surtout – est-ce bien conforme à la réalité ? S’inquiéter du fait que le système scolaire le plus coûteux d’Europe dégage chaque année 40.000 jeunes sans qualification et 140.000 sans diplôme est-il une attitude réactionnaire ? Constater que l’Europe sera nécessairement confrontée à de fortes vagues migratoires quand on sait que, simplement dans le Sahel, le taux de croissance démographique est de 3,5% et que la population, actuellement de 67 millions d’habitants, frôlera les 200 millions en 2050 tandis que l’évolution climatique risque d’y élargir le processus de désertification, est-ce apporter de l’eau au moulin de Marine Le Pen ? S’il en est ainsi, c’est l’exigence de lucidité qui devient réactionnaire et cela pose un vrai problème, qui concerne cette fois la pensée de gauche.

Car finalement, est-ce nos intellectuels qui penchent à droite ou une certaine gauche qui a un problème avec les réalités de notre temps? Est-ce que le discours de cette dernière a encore une réelle cohérence ?

L’histoire récente peut être là éclairante. Pendant la seconde moitié du XX° siècle, le monde intellectuel français a vécu sous l’hégémonie d’une vision de gauche qui correspondait, qu’on le veuille ou non, au prestige acquis par l’interprétation marxiste. Souvenons-nous qu’en 1957, J-P. Sartre (dont les options philosophiques étaient pourtant décriées par les communistes) assurait que « le marxisme est l’horizon indépassable de notre temps ». Et au-delà des critiques et du procès faits au stalinisme après 1956, le marxisme s’incarnait dans l’expérience entreprise par la révolution bolchevique de 1917. Lénine, Trotski restaient des références, rejoints à la fin des années 60 par Mao. Marx, plus ou moins bien lu, demeurait l’étalon des travaux historiques ou sociologiques même pour les rares qui le contredisaient. Le débat intellectuel en France ressemblait à une escadre encadrant un puissant vaisseau amiral arborant le drapeau rouge.

Et puis soudain à l’aube des années 90, le vaisseau amiral s’est comme évaporé, se dissipant tel le mirage qu’il était et laissant un horizon vide. Certains, alors, se sont comme jadis Emmanuel Kant après sa lecture de Hume, « réveillés de leur sommeil dogmatique » et ils ont repris contact avec un monde en pleine transformation, sans rapport avec celui qu’avaient cru décrypter les doctrinaires d’hier. Ils ne se sont pas droitisés, ils ont simplement réintégré la réalité.

Ceux qui aujourd’hui les dénoncent furieusement sont les orphelins inconsolables des certitudes envolées ; mais qui les écoute vraiment, en particulier au sein des couches populaires qui leur avaient fait si longtemps confiance? Comment d’ailleurs pourrait-on les croire tant leur discours est confus et contradictoire?

Un exemple actuel est particulièrement révélateur. Suite aux graves incidents survenus le 5 octobre à Air France, des individus dont les méthodes sont celles des nervis fascistes de naguère sont métamorphosés en martyrs de la classe ouvrière par un chœur de voix de gauche qui n’aurait pas eu de mots assez durs si les intéressés avaient été des crânes-rasés de la droite extrême. Passe encore que le comique si bien surnommé Méluche y trouve l’occasion d’une nouvelle pitrerie, mais que de hauts responsables syndicaux, des élus, des dirigeants de mouvement et même une ancienne ministre cautionnent d’inadmissibles violences physiques laisse pantois. Mieux, dans une publication d’extrême gauche en ligne (Respublica, n° 793), le secrétaire national à l’économie du Parti de gauche (voyez du peu…) décrit les dirigeants molestés d’Air France comme « de pauvres types, de riches bourgeois n’ayant pas une once de dignité »! Or il se trouve que l’un des deux, Pierre Plissonnier, est le fils de Gaston Plissonnier (1913-1995), n°2 du Parti communiste au temps de Georges Marchais, qu’il remplaça même un moment à la tête du parti en 1976, quand Marchais eut des problèmes de santé : le prototype parfait du riche bourgeois, on le voit…

Incohérences, discours inaudible, gesticulations… La crédibilité est-elle du côté de ceux qui, sous prétexte qu’ils tentent d’aborder les questions de façon réaliste et dans le but de prévoir et d’espérer des résultats, sont traités de droitiers ou de néoréacs, où dans le camp de nostalgiques impénitents d’une époque révolue qui font semblant de croire qu’on est toujours en 1950?

Et – question subsidiaire – lesquels favorisent le plus le succès croissant des thèses populistes qui elles, sont vraiment de droite, et même d’extrême droite?

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Tramway rive droite, piétonisation: les nouveaux chantiers d’Anne Hidalgo à Paris

Dans un entretien au JDD, le maire de Paris annonce qu’une partie de la voie Georges-Pompidou va devenir pitonne. Un tramway sera install rive droite d’ici 2020.

Ce plan va « va profondément changer le visage et l’image de notre ville », assure Anne Hidalgo. La maire de Paris annonce dans un entretien au JDD la piétonisation d’une partie de la voie Georges-Pompidou, ainsi que l’installation d’un tramway rive droite.

Le projet de piétonisation sera présenté au prochain conseil de Paris. Il concerne « un tronçon de « 3,3 km qui va du tunnel des Tuileries (Ier arrondissement) au bassin de l’Arsenal (IVe) », déclare-t-elle, en précisant que ces quais bas le long de la Seine seront « définitivement fermés au trafic automobile » après « l’édition 2016 de Paris Plages ».

Dissuader la circulation automobile

Coût de l’opération : « au grand maximum 8 millions d’euros », estime Anne Hidalgo, qui revendique un choix « radical », fait au nom de la « santé publique ». La maire de Paris dit assumer « complètement l’objectif de dissuasion » de la circulation automobile.

A l’instar de ce qui a été fait rive gauche sur 2,3km en 2012, « les voitures céderont la place à une aire piétonne végétalisée de 4,5 hectares, au bord de l’eau », qui sera « un nouvel espace de respiration, de promenade et de détente », précise la maire de Paris.

S’agissant du tunnel des Tuileries (830 m), le long du Louvre, « il deviendra un lieu de passage pour les piétons ». « On pourrait y trouver aussi différentes activités, comme une boîte de nuit, mais aussi des espaces culturels, un lieu dédié au street art… Nous sommes en train d’étudier plusieurs propositions qui ont émergé de la consultation citoyenne », indique Anne Hidalgo.

« Un tramway nouvelle génération »

Anne Hidalgo confirme également la construction d’un tramway rive droite, une proposition de campagne des écologistes qu’elle avait reprise à son compte lors des municipales de 2014.

« Ce transport propre permettra une traversée de Paris d’ouest en est, soit par les quais hauts, soit par la rue de Rivoli. Le projet est à l’étude avec les services de la Ville, et nous en discuterons avec le STIF, la RATP, la préfecture de police. Je souhaite un tramway nouvelle génération, sans rail ni caténaire, en site protégé. Ce qui ne nécessitera pas de gros travaux d’infrastructures, limitera les coûts et permettra d’aller très vite : il sera en service avant 2020″, assure la maire.

Les députés ne modifient finalement pas la « taxe tampon »

Des dputs socialistes demandaient d’appliquer un taux de TVA 5,5% sur les produits de protection hyginique fminine, considrs comme un produit de « premire ncessit ». Leur amendement a t rejet.

L’Assemblée nationale a rejeté dans la nuit de mercredi à jeudi la demande de députés socialistes d’appliquer un taux de TVA à 5,5% aux produits de protection hygiénique féminine. Cette mesure pour les tampons, serviettes et autres coupes menstruelles, actuellement taxés à 20%, était évaluée à 55 millions d’euros.

Cet amendement au Projet de loi de finances 2016, contre la « tampon tax », qui avait pourtant été accepté mardi en commission, était porté par la présidente de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée, Catherine Coutelle, qui considère ces produits comme « de première nécessité ». « Je veux qu’on m’explique pourquoi ces protections mensuelles, qui ne sont pas du maquillage et autres produits de luxe, n’entreraient pas dans les produits de première nécessité », disait-elle récemment à 20 minutes.

Elle relayait la demande du collectif Georgette Sand, anti-« taxe rose » en général, qui a lancé une pétition ayant recueilli plus de 17 000 signatures contre cette « injustice ».

Christian Eckert et la mousse à raser qui fâche

Mais le secrétaire d’Etat au Budget Christian Eckert avait indiqué plus tôt que « le gouvernement ne souhaite pas bouger sur les taux de TVA » dans le cadre du projet de budget pour 2016. Il a relevé qu’un taux de 20% était appliqué aux mousses à raser pour hommes et que « le débat est passionné » mais « pas simple ».

Voici la citation complète de Christian Eckert: « Le gouvernement ne souhaite pas bouger sur les niveaux de taux de TVA. Ca vaut pour cet amendement comme pour la kyrielle d’amendements que nous allons examiner. Mais il y a beaucoup de produits d’hygiène qui concernent plutôt les hommes, mais pas exclusivement, dont le taux de TVA est à 20%. Les mousses à raser, spéciale hommes, ont des taux de TVA à 20% ». Une comparaison qui suscite déjà quelques réactions ironiques… ou déconfites.

Jean-François Pilliard, le monsieur « social » du Medef, s’en va

Le dlgu gnral de l’Union des industries et des mtiers de la mtallurgie et vice-prsident du Medef charg du ple social, Jean-Franois Pilliard, va quitter ses deux fonctions le 31 dcembre, a-t-il indiqu ce jeudi dans un communiqu.

Décidément, il y a du mouvement dans les hautes sphères du dialogue social. Après le départ de Gilles Gateau de Matignon pour Air France, c’est le négociateur en chef du Medef, Jean-François Pilliard, qui quittera ses fonctions le 31 décembre prochain. « J’ai partagé cette décision personnelle avec Alexandre Saubot (qui prendra sa succession, NDLR) dès son élection à la présidence de l’UIMM (Union des industries et des métiers de la métallurgie), ainsi qu’avec Pierre Gattaz (président du Medef) », a déclaré Jean-François Pilliard dans un communiqué.

« Mon parcours et mon âge, près de 67 ans, expliquent que je souhaite à présent privilégier ma vie personnelle et envisager d’autres projets qui correspondent à mon expérience », a-t-il ajouté, sans donner plus de précision sur ces projets.

En charge du social depuis 2013

Pilliard était délégué général de l’UIMM depuis 2009. Il avait auparavant exercé les fonctions de directeur des ressources humaines, notamment chez Schneider Electric. Il était vice-président du Medef chargé du pôle social depuis 2013.

Il a indiqué qu’il serait présent lundi à la conférence sociale pour l’emploi réunissant membres du gouvernement, représentants d’organisations syndicales, d’employeurs et des collectivités territoriales. Une table ronde qui se tiendra sans la CGT.

Joutes verbales et fiscales

On ne dira jamais assez combien le (complexe) débat budgétaire réunit des experts de la question, qui se connaissent depuis de nombreuses années et s’opposent chaque automne. En voici encore la preuve.

Les joutes les plus croustillantes sont sans doute entre le Secrétaire d’Etat Christian Eckert et le député UDI Charles de Courson.

Du haut de ses 22 ans de mandat, Charles de Courson adore taquiner le Secrétaire d’Etat, quitte à s’appuyer sur des anecdotes mêlant sandwiches et bistro :

http://www.dailymotion.com/video/x39rkle

La joute verbale devient très vite fiscale, quand Christian Eckert provoque lui aussi, tout au long du débat, en comptabilisant les dépenses qu’induiraient les amendements De Courson.

http://www.dailymotion.com/video/x39rkob

Il faut dire que Charles de Courson est omniprésent lors de ces débats (près de 100 amendements déposés sur les 600)… ce qui a le don d’agacer certains députés. Dans une tirade (cette fois préparée), le député socialiste Alain Fauré a décidé de lui répondre en filant la métaphore animalière et forestière :

http://www.dailymotion.com/video/x39rkjr

Parfois les échanges sont moins légers, et le secrétaire d’Etat est rarement tendre avec des députés extérieurs à la Commission des finances, et plus critiques. Frédéric Lefebvre en a fait l’expérience, le lendemain de son anniversaire :

http://www.dailymotion.com/video/x39rkmq

Le débat sur la première partie devrait se poursuivre jusqu’à vendredi soir. Le vote final aura lieu mi-novembre, ce qui laisse augurer encore beaucoup d’échanges de ce type (encore une fois, entre spécialistes).

La CGT justifie son boycott de la conférence sociale

La CGT a justifi jeudi son refus de participer la confrence sociale lundi prochain en voquant la politique de « rgression sociale » du gouvernement, le conflit Air France et la modalit d’organisation de la rencontre

Après l’annonce mercredi de sa volonté de ne pas participer à la conférence sociale, la CGT a tenu à expliquer son choix. « La CGT ne peut pas continuer de se satisfaire d’une politique qui remet en cause notre modèle social, la citoyenneté au travail et répondant exclusivement aux intérêts du patronat », affirme la centrale dans un communiqué. Elle dénonce « une succession de lois de régression sociale, le passage en force en usant du 49/3, l’application unilatérale de l’accord chez les fonctionnaires ».

Evoquant le conflit à Air France, la centrale affirme qu’elle « ne peut cautionner les discours actuels affirmant que la violence se situe du côté des salariés ». « La violence, c’est apprendre du jour au lendemain que l’on va se retrouver sans emploi, en raison du diktat imposé par les actionnaires », selon elle.

L’organisation de la conférence dans le viseur

La CGT critique aussi « l’organisation de cette conférence sociale » qui « aura été un exemple éclairant de la conception de la démocratie sociale par le gouvernement ». « Le programme définitif n’aura été communiqué que moins deux semaines avant. Peu ou pas de concertation quant aux thèmes retenus, le contenu des tables rondes évoluant d’ailleurs encore en fonction des demandes particulières des ministres », selon le syndicat. La CGT avait demandé en vain « que soient inscrites à l’ordre du jour, les questions de salaires et réduction du temps de travail », une urgence pour mettre un terme « aux politiques d’austérité ».

Elle dénonce aussi « le refus de donner la parole aux organisations syndicales lors de la conférence plénière lundi matin », axée sur la révolution numérique, « alors que la tribune est offerte aux experts patronaux ». Mais, selon le ministère du Travail, « la CGT n’a pas demandé d’intervention en plénière ». « Ce n’est pas une tribune offerte au patronat », ajoute-t-on rue de Grenelle. Doivent notamment intervenir Bruno Mettling, auteur d’un rapport sur le numérique, Sylvie François, DRH de La Poste, Benoit Thieulin, président du Conseil national du numérique ou Hervé Lanouzière, directeur de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact).

La CGT veut parler « des salaires et de la réduction du temps de travail »

Dans son communiqué, la CGT propose que « s’engagent rapidement de véritables négociations » – notamment sur « l’augmentation des salaires », « la réduction du temps de travail », « la sécurité sociale professionnelle »- « dans un contexte social apaisé et constructif, en concertation et après consultation des organisations syndicales représentatives du pays, dont la CGT ».

Au ministère du Travail on précise que « la CGT a participé à toutes les réunions de préparation et d’organisation de la conférence sociale, que ce soit sur les thématiques ou sur les intervenants ». Selon le ministère, « les thèmes que la CGT a demandé en négociation urgente sont précisément ceux qui sont à l’ordre du jour de la conférence sociale ».

Le ministère fait également valoir que la réunion informelle avec le président de la République prévue le matin « n’a pas d’ordre du jour »: « les participants peuvent mettre sur la table tous les sujets qu’ils ont envie d’aborder. » La direction de la CGT avait annoncé mercredi soir qu’elle refusait de prendre part à la conférence sociale du 19 octobre, modifiant sa première décision du 6 octobre en faveur de la participation avec une équipe réduite

Mazarine, Bousquet, la maladie… Les secrets de François Mitterrand en clair

Andr Rousselet fut le compagnon d’une vie. Et mme des diffrentes vies de l’ancien prsident. Les souvenirs du fondateur de Canal+ en dressent un portrait indit. Un rgal.

Il a 93 ans, et intitule ses Mémoires « Ami-parcours ». André Rousselet a une arme, celle de l’ironie et de l’autodérision, qui lui permet de relater sa vie de manière truculente. Et quelle vie ! Devenu député sans l’avoir voulu, homme d’affaires, notamment fondateur de Canal+, une aventure extraordinaire. Et aussi, bien sûr, ami intime de François Mitterrand, dont il est le directeur de cabinet dans la foulée de 1981 et l’exécuteur testamentaire quand « le moment était venu ».

Le portrait qu’il dresse de l’ancien président est l’un des plus passionnants qui aient été écrits: Mitterrand « ne sera plus jamais exactement le même homme » après l’affaire de l’Observatoire, n’accordant plus sa confiance à grand monde – mais la gardant longtemps à Silvio Berlusconi: « lui au moins ne m’a pas trahi ».

S’il revient sur tous les épisodes noirs, avec, par exemple, un plaidoyer pro domo pour les écoutes téléphoniques, André Rousselet se montre discret sur le financement des campagnes électorales, pour mieux raconter qu’il n’a trouvé qu' »un coin déchiré, donc inutilisable d’un billet de 500 francs dans le coffre de Valéry Giscard d’Estaing » en arrivant à l’Elysée, mais qu’il a lui-même remis, en 1995, à la demande de Mitterrand, 40 millions de francs en bons du Trésor à Jacques Chirac, qui le reçoit en présence de Dominique de Villepin, son secrétaire général à l’Elysée. Oui, il est possible de dévorer un pavé de plus de 700 pages.

>> Notre dossier sur François Mitterrand et sa famille

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Ed. Kero

[Les intertitres sont de la rédaction]

Bousquet

Ce doit être un peu avant 1981… François Mitterrand organise un jour un déjeuner, dans un restaurant du boulevard Saint-Germain, avec d’anciens camarades de résistance, auquel participe… René Bousquet. En sortant du restaurant, sur le boulevard, Jacques Attali – qui assistait au déjeuner – exprime son indignation d’avoir eu à « partager » la table de Bousquet et demande à François Mitterrand ce qui a bien pu lui faire inviter un « personnage pareil ». Il lui a répondu froidement, manière de dire que ceci n’appellerait pas de discussion prolongée, que « si René Bousquet n’avait pas été présent et d’un précieux soutien à des moments décisifs pendant la guerre, ce déjeuner n’aurait jamais pu avoir lieu, faute de convives encore en vie… ».

Vous allez me demander des précisions, et je n’en ai pas. Je n’ai jamais su avec exactitude dans quelles conditions Bousquet avait sauvé la plupart des personnes présentes. Ce qui est absolument certain, c’est que François Mitterrand considérait, savait, avoir été sauvé d’une arrestation par la Gestapo, avec d’autres résistants, grâce à l’intervention de René Bousquet. Tout cela nous ramène une nouvelle fois au « romantisme » et au personnage littéraire dont je vous ai parlé. Vous pouvez décider de condamner définitivement François Mitterrand pour avoir côtoyé Bousquet. Et nous n’en parlons plus…

Ou vous acceptez de prendre ceci en considération, qui est à mon avis l’autre clef indispensable à la compréhension de Mitterrand parce que c’est une règle de comportement chez lui qui ne souffre aucune exception, une règle de conduite – ou un instinct – dont je vous confie que je la partage avec lui: quels que soient les défauts, les travers ou les fautes commises, il ne fera jamais du mal, il ne reniera jamais quelqu’un qui lui a fait du bien, l’a aidé, ou l’a sauvé.

Mazarine

Nous sommes donc dans l’entre-deux-tours de la présidentielle [NDLR: de 1981], et François Mitterrand a fait un saut à Hossegor, où je l’accompagne, pour se détendre quelques heures avant de repartir en campagne. Il se repose, de son côté. Je me promène, et c’est là que je croise le père d’Anne Pingeot, que je connais bien, partenaire de l’Attila’s Cup, notre compétition de golf, et qui dans la conversation me dit très aimablement: « Mais nous avons François ce soir à dîner… Joignez-vous à nous. Venez dîner. » J’accepte avec plaisir.

A l’heure dite, je prends le chemin de la propriété des Pingeot, près du lac, et, quand j’arrive, qui vois-je en train de faire nerveusement les cent pas devant la maison? François Mitterrand! Surpris par cette prévenance à laquelle je ne suis pas habitué de sa part, je n’ai que le temps de garer ma voiture. Il me prend aussitôt par le bras. Je n’arrive pas à déterminer sur son visage s’il s’est produit quelque chose de sérieux et d’urgent qui remet en cause ce dîner ou s’il est soulagé de me voir afin de régler un problème de campagne avant de passer à table.

Je vais comprendre que c’est un peu tout cela: urgent, et problématique; mais ça n’a aucun rapport avec tout ce que j’aurais pu imaginer. Il est à la fois résolu, grave, et comme exaspéré, mais prenant la précaution de ne pas le montrer, sans parvenir à dissimuler totalement son état. J’apprendrai, plus tard, que mon invitation-« surprise » ce soir-là vient de donner lieu à une vive discussion entre lui et les parents d’Anne Pingeot. François Mitterrand, découvrant que je viendrais dîner, s’était soudainement emporté contre cette « drôle d’idée ». Il ne souhaitait pas ma présence dans un lieu où je risquais d’apprendre ce que je n’avais pas à savoir. […]

Mazarine Pingeot, ici en 2012.

Mazarine Pingeot, ici en 2012.

afp.com/Martin Bureau

C’est elle, finalement, Anne Pingeot, qui lui fait comprendre, le menaçant de sa propre mauvaise humeur, que ce silence a assez duré, qu’il est injuste et déplacé vis-à-vis de moi, et qu’il ne peut pas indéfiniment repousser l’échéance… Connaissant le goût de François Mitterrand pour la préservation du secret, je veux bien croire que la conversation a été vive. Mais c’est Anne Pingeot qui a eu gain de cause. Raison pour laquelle il était là à m’attendre, arpentant le lieu, et ruminant ses pensées.

Tenant mon bras, il ne me laisse même pas l’opportunité de dire un mot et me déclare tout de suite: « Voilà, il faut que je vous dise: j’ai une fille. » Je dois ouvrir de grands yeux étonnés. Il enchaîne aussitôt: « Ne soyez pas surpris. J’ai eu une fille avec Anne. Elle a 6 ans. Et, d’ailleurs, je vais vous la présenter… » Il y a quand même de quoi être surpris, mais je le suis peut-être moins par l’information elle-même (soudain, les indices passés les plus farfelus aperçus dans sa voiture prennent sens) que par le fait qu’il se soit résolu à me la livrer.

Sans me lâcher, il me conduit jusqu’à une pièce, un espace réservé aux enfants dans le jardin de la propriété Pingeot, et où se trouvent cinq ou six gosses, garçons et filles, activement, bruyamment occupés à jouer. Il s’arrête net, tend le bras vers ce petit groupe et me fait: « Voilà. » Peut-être pense-t-il que je vais instantanément reconnaître sa progéniture parmi les rires et les cris… Je lui dis: « Oh! Mais ce n’est pas une fille que vous me présentez, c’est tout un lot. C’est une nursery… » Il s’est soudain détendu et s’est mis à rire. A ce moment-là, une gamine adorable s’est détachée du groupe pour rejoindre joyeusement son père, et j’ai été présenté à Mazarine.

La maladie

Ce qui s’est passé, ce dont je peux témoigner, c’est qu’il y a un moment – dans mon souvenir, c’est peu avant ou immédiatement après le voyage où je l’accompagne à Cancun, au Mexique, avec Régis Debray et Jack Lang… Je le vois, nous le voyons tous à l’Elysée marcher avec difficulté. Faux mouvement, douleur musculaire contractée au golf? Je n’y ai pas prêté plus d’attention que ça; mais, deux ou trois jours plus tard, je l’ai vu souffrir à tel point du dos que je l’ai encouragé à consulter. Il s’y est résolu en protestant que ce n’était sans doute rien, mais que ce rien le faisait effectivement beaucoup souffrir. Je ne sais quel médecin il a vu ce jour-là, mais ce dont je me souviens, c’est qu’il en est revenu d’une humeur de chien.

Quand je l’ai questionné – amicalement et je dois dire bien naïvement -, il m’a envoyé sur les roses, très sèchement: « Mais… Ceci ne vous regarde pas ! Est-ce clair ? » Je me suis fait rabrouer comme jamais auparavant pour avoir commis cet impair, cette imprudence: « Il n’y a pas de problème… De quoi vous mêlez-vous ! » Je n’ai pas insisté. Je crois qu’en plus de quarante années de compagnonnage avec lui, c’est la seule fois où j’ai été aussi rapidement rétrogradé, par sa froide colère, à la modestie de mon rang.

Le dernier voyage

Il y a là Anne Pingeot, Mazarine, le Dr Tarot et son fils Mathieu, ma femme, Anouchka, et moi. […] La fatigue, l’épuisement, le déclin physique de François Mitterrand se sont accélérés. Il assistait silencieusement à nos repas. Il était pendant ce séjour [à Assouan, en Egypte] une présence à la fois forte et absente de toute conversation. Et pourtant, c’est étrange, il nous a plus d’une fois surpris par sa présence d’esprit. […] Un jour où nous énumérions entre nous des dizaines de villes qui n’étaient pas les bonnes pour « resituer » quelqu’un dont le nom avait surgi dans la conversation, il nous a tous surpris en intervenant d’un seul coup, ajoutant à la précision géographique une justesse chronologique dont personne autour de la table n’avait la mémoire: « Mais pas du tout. C’était à Essaouira, voyons! Au Maroc, en 1955… » avant de retomber dans une prostration douloureuse. […]

L'une des toutes dernières photos de François Mitterrand, en Egypte quelques jours avant sa mort, le 8 janvier 1996.

L’une des toutes dernières photos de François Mitterrand, en Egypte quelques jours avant sa mort, le 8 janvier 1996.

AMR NABIL/AFP

Ce qui est assez drôle, aussi, alors que le moment ne l’était en rien, c’est à quel point, quand bien même aussi diminué, fragile, il restait lui-même vis-à-vis des femmes. Dans le triste état où il était, il se voulait encore séducteur. La présence, le passage d’une jolie femme dans son champ de vision animaient un instant son regard. Même brièvement, il veillait à montrer et commenter pour Anouchka les plus beaux paysages. C’était très touchant. Il y avait là une part de jeu, la tentation éternelle de « faire la cour » – alors qu’il était à peine susceptible de se tenir debout -, le jeu de la vie qui continue et recommence, parce qu’en fait, dans ce séjour, il n’avait d’yeux et probablement de pensées que pour une seule personne, sa fille, pour Mazarine. Il l’aimait plus que tout. Plus que tous. Il ne voyait qu’elle, sous le regard attendri et exemplaire de compréhension d’Anne Pingeot. […]

La veille [de sa mort], je suis allé le voir… Comprenant que c’était sans doute la dernière fois, et n’ayant alors aucune indication sur les souhaits que contenait ou non son testament à propos d’inhumation, je lui ai demandé, aussi délicatement qu’il était possible, en quel endroit il souhaitait reposer. C’était Jarnac. Là où il était né. La terre de ses parents. Dans l’ignorance où j’étais, il me fallait aussi m’enquérir de sa volonté s’agissant de cérémonie ou d’absence de cérémonie religieuse. Je lui ai posé la question, avec toute la douceur qui s’imposait, parce qu’il était mon ami, ou plutôt parce que j’étais le sien, et qu’il m’avait choisi pour accomplir cela, veiller au respect de ses dernières volontés.

C’est alors que… ne voyez là surtout ni critique ni ironie déplacée ; mais on peut dire que François Mitterrand aura maîtrisé l’art de l’ambiguïté et du propos sibyllin toute sa vie, jusqu’à son dernier souffle, puisque, en réponse à mon interrogation, je n’ai obtenu pour seule indication que cette réponse: « Une cérémonie religieuse? Pourquoi pas? Une messe est possible. » C’est tout lui. Cette expression, cette affirmation claire et contradictoire, à la fois précise et incertaine, c’est celle qui figurera en ces termes dans le testament quand j’en prendrai connaissance. « Une messe est possible… », sans autre commentaire, c’est un défi à l’interprétation pour l’exécuteur testamentaire. De sa part, c’est une sorte de « Vu » final et intrigant comme il en écrivait sur les notes que nous lui adressions. C’est: « Débrouillez-vous avec ça! »

A mi-parcours, par André Rousselet, avec Marie-Eve Chamard et Philippe Kieffer. Ed. Kero, 736p., 23,90€.

« Le destin de la duchesse Marie-Ségolène baigne dans le Nutella »

sego« Erythème fessier du nourrisson ». Une fois n’est point coutume, les médicastres sont de concert. Ainsi donc, Monsieur de Macron, ce bambin tout d’effronterie, souffrirait d’une inflammation du fondement.

La Cour bruit de la rumeur selon laquelle ce feu au cul aurait été allumé par la fessée que l’archiduchesse Marie-Ségolène lui aurait fait administrer pour avoir osé fustiger les « personnes stupides » qui avaient molesté leur patron et lacéré sa chemise. Offensée par cette saillie, et bien d’autres encore, la reine mère, piquée au vif, n’a point manqué usurper la parole royale.

La barboteuse de Monsieur de Macron

La princesse, l’archiduchesse, la reine mère grimpe à présent quatre à quatre les marches de sa restauration. Au grand dam des ministres qui la craignent, mais redoutent encore davantage d’avoir la folle audace de s’en aller pleurnicher dans le giron du roi.

« La mère supérieure est tabou » persifle un courtisan, le Flou lui passe tous ses caprices, acquiesce, soupire, valide ses ukases en gonflant ses bajoues si finement couperosées. Parfois, il y trouve son content : en remontant les bretelles de la barboteuse du jeune Macron, elle fait le boulot du Flou qui s’épargne la basse besogne d’une remontrance : voici qui n’a dupé personne, car c’est bien le roi qui s’exprimait en la bouche carnassière de l’archiduchesse », souffle encore ce même courtisan au cuir tanné par des lustres de vie en Cour.

« Elle est la mère de ses enfants, la Première épouse, qui dispose à son bon plaisir des prérogatives dues à son rang. Sous la dynastie Han, en la Chine ancienne, les épouses successives du mandarin se devaient de lui prêter allégeance et ainsi ne goûter leurs plats qu’après que la Première épouse ait été servie ».

Canard rouennais

Ma chère et tendre, le Flou serait-il une sorte de mandarin ?

– Au plus une espèce de canard, rouennais de surcroit, ricane Artois,

jamais en veine de moquer son roi.

– Monsieur de Macron, cet impétueux toy boy aux manières si peu entichées de l’étiquette, qui éprouve céans quelque peine à poser son séant rougi par les fascines de l’archiduchesse, se le tiendra-t-il pour dit ?

– Peu lui chaut ! s’exclame Artois. Sitôt apaisé l’incendie qui consume sa culotte, il recommencera. L’insolence est son fonds de commerce : il a pris le melon, il s’y voit déjà, ceint des lauriers de Césarin savourant son triomphe.

« Le roman d’un ambitieux »

Savez-vous ainsi, Marquise, que deux livres sont à paraître, à des fins de célébrer sa gloire. L’un des deux, je vous le donne en cent, je vous le donne en mille, s’intitulera : « Le roman d’un ambitieux ». Mâtin, quel panégyrique nous mitonne-t-on là ? Monsieur de Fillon, tout à faire le beau de la diffusion de son bréviaire, n’a qu’à bien se tenir. Cependant, le jeune Macron serait avisé de ne point trop froisser la reine mère. Elle s’entend à mater les jeunes daims qui viennent tout juste de jeter leur gourme. Et il pourrait lui en cuire à nouveau. Elle a plus d’un tour dans son sac : son catalogue de vacheries est richement abondé par son expérience. Son port altier et sa démarche des plus gracieuses dissimulent une mémoire d’éléphant, tout ainsi que la rancune que l’on prête à ces pachydermes.

– L’on susurre en Cour que son commerce avec l’archiduc Fabius de Pomponné n’est point florissant…

Au Quai d’Orsay

– Ils ne peuvent point se blairer. Ils ne cessent de se chamailler à propos de l’ordonnancement du grand congrès sur le réchauffement climatique : le roi souhaite que cette affaire soit un succès, naturellement porté à son crédit. Le voici dans la posture du bonhomme Cetelem, à prêcher pour la préservation de notre planète. Ministre de la Flore et de la Faune, l’archiduchesse aurait aimé mener le bal du congrès, mais l’archiduc lui a soufflé le rôle du coryphée. Elle est fumasse, et feint à présent se désintéresser de la question, souhaitant en son for intérieur que cette monstrance tourne en eau de boudin. Mais elle s’en fout comme l’An quarante : elle a choisi de briguer la charge de l’archiduc qui caresse le dessein de faire ses malles à des fins de prendre la tête du Conseil des sages, lorsque le mandat de Monsieur Deux-Bré sera échu.

– La mère supérieure au Quai d’Orsay ? Voici qui ne manquerait point de panache !

– L’affaire n’est point scellée car l’archiduc s’emploie à promouvoir Madame de Guigou.

– Madame de Guigou ?

– Tout bonnement. Mais le roi, qui n’en pince guère pour elle, aurait d’ores et déjà choisi de nommer la duchesse Marie-Ségolène, que la circonstance élèverait au rang d’archiduchesse.

Fromages

– Voici qui promet de belles migraines aux gens du protocole et de l’étiquette ! La duchesse ne badine point avec les fromages qu’elle exige que l’on lui fasse lorsqu’elle daigne paraître en ses appartements…

– Le roi y trouve grandement son avantage et résout ainsi l’épineuse question des voyages officiels : à défaut d’avoir épousé la mère de ses enfants devant Dieu et les hommes, il s’y trouvera flanqué de sa ministre. Et hop ! Ni vu ni connu, je t’embrouille ! Même le Souverain pontife, qui nous a dans le pif, n’y trouvera à redire. Une sorte de réconciliation officielle qui sera scellée lors de la campagne que le Flou devra mener à des fins de conserver son trône. La duchesse est, pense-t-il, son meilleur atout : elle est gracieuse, fort bien mise de sa personne, affiche en toutes circonstances un sourire Findus des plus éclatants…

– Certes, Comte, mais elle jabote parfois à tort et à travers…

– Tel est le bon plaisir du roi qui ne peut rien lui refuser. A présent, entre eux, tout baigne dans le Nutella.

Derrière les portes étroites du Conseil constitutionnel

Mediapart publie ce matin une courte mais très intéressante enquête de la journaliste Mathilde Mathieu sur le Conseil constitutionnel. Pas de révélations fracassantes, mais on y parle beaucoup des « portes étroites » et on dévoile un peu le fonctionnement du Conseil.

Les « portes étroites » sont les interventions juridiques extérieures, parfois signées par de grands constitutionnalistes, pour donner une opinion juridique sur un recours quand le Conseil constitutionnel est saisi par les parlementaires sur l’ensemble d’une loi. Dans ces cas de saisines parlementaires, le Conseil doit juger des textes parfois très denses en moins d’un mois. Ces interventions extérieures, souvent très éclairées, sont parfois appréciées par les membres du Conseil constitutionnel. Celui-ci est est libre d’en faire ce qu’il veut, certaines portes étroites finissant même directement à la poubelle (mais quand la signature est prestigieuse, le texte est lu attentivement). En 2014, 47 « portes étroites » ont été remises au Conseil constitutionnel. Sur la seule loi renseignement, on en a frisé l’overdose avec 21 portes étroites (dont celle très complète de la Quadrature du Net, FDN et FFDN).

Le Conseil en 2013 (© Conseil constitutionnel)

Le Conseil en 2013 (© Conseil constitutionnel)

Pour les QPC (lorsque le conseil doit juger de la constitutionnalité d’une disposition déjà promulguée), la procédure est encadrée, les parties peuvent recourir à un avocat et des mémoires extérieurs peuvent être déposés. Mais pour les saisines parlementaires, tout est plus flou.

Pourtant les « portes étroites » n’échappent pas, et ce n’est pas étonnant, au lobbying. Lobbying des associations mais aussi des intérêts économiques. En 1994, Olivier Schrameck notait déjà« une corrélation plus étroite entre l’importance des intérêts économiques et financiers mis en cause et la multiplicité des documents parvenant au Conseil par cette voie dite étroite ». Mediapart cite notamment les nombreuses interventions du constitutionnaliste Guy Carcassonne (détaillées dans cet article de la revue Pouvoirs), parfois pour des lobbys économiques importants. Et ces interventions ne sont pas toujours bénévoles. Dans l’article de Mediapart, on parle de 20 000 € payés par la Ligue de football professionnel pour rédiger un mémoire contre la taxe à 75%.

On en a souvent parlé sur ce blog, le lobbying ne se déroule pas qu’au Parlement. Simplement, c’est là qu’il est le plus visible. Il est plus efficace pour un lobbyiste d’agir en amont, devant le gouvernement, là où la décision s’élabore. Et en aval, devant le Conseil, là où une disposition peut être définitivement enterrée.

Il semble donc nécessaire de prévoir un minimum de transparence, comme le demandait Authueil sur son blog au mois d’août. Pour l’instant, les « portes étroites » ne sont mêmes pas prévues par le Conseil dans son règlement, par crainte notamment d’un appel d’air (sur la loi renseignement, il y a eu un véritable concours de « portes étroites » qui a dû en énerver quelques-uns). A minima, ces portes étroites devraient être publiées. On peut aussi se demander pourquoi le Conseil ne publie les différents documents qu’une fois sa décision prise et pourquoi certaines de ces censures sont si laconiques. Les faibles moyens alloués aux membres du Conseil posent aussi question (lire le très intéressant « Une sociologue au Conseil constitutionnel » de Dominique Schnapper) : quand les Conseillers n’ont même pas de collaborateurs personnels qui pourraient les éclairer sur un sujet, ils ont encore plus besoin de ces contributions extérieures.

Le Conseil constitutionnel a pris une importance considérable depuis 50 ans. Il faut que ses moyens, mais également les exigences de transparence et d’éthique augmentent : les lois sur la transparence ont ainsi interdit aux membres du Conseil de cumuler avec d’autres fonctions. Le fait que les Présidents de la République retraités y siègent encore est de moins en moins accepté. Mais le Conseil n’a pas encore pris la mesure de l’ampleur des changements nécessaires.

Reste un dernier trou noir : la rédaction des saisines parlementaires. Pour qu’un lobby puisse influer le Conseil sur un texte, encore faut-il qu’il soit saisi par 60 députés ou 60 sénateurs. Mais certaines rédactions de saisines ne sont pas au niveau : et pour cause, pour rédiger leurs saisines, les parlementaires et les groupes n’ont pas plus de moyens que les membres du Conseil constitutionnel. La rédaction d’un recours demande du temps et d’y allouer des ressources humaines. On manque souvent des deux. Dès lors, il est logique que des lobbys prennent de l’importance au moment de rédiger la saisine, lorsque l’opinion des parlementaires rejoint celle des lobbys. Pour rédiger une saisine, on se tournera naturellement vers des juristes qui défendent la même cause.

On en revient une fois de plus aux faibles moyens alloués aux parlementaires et aux groupes parlementaires, bien plus problématiques que le lobbying. Tant que les financements pour leur travail resteront aussi faibles, il ne faudra pas s’étonner du poids de certains lobbys.