En qualifiant le statut des fonctionnaires de « plus adapt au monde tel qu’il va », le ministre de l’conomie a t aussitt recadr par le prsident. Seul Manuel Valls a affich publiquement son soutien.
L’aparté se transforme en polémique
C’est au détour d’un discret petit-déjeuner organisé vendredi par un groupe de réflexion En temps réel qu’Emmanuel Macron a touché à l’un des totems de la gauche: le statut des fonctionnaires qu’il juge « plus adapté au monde tel qu’il va » ou « justifiable compte tenu des missions ».
Quelques heures plus tard, ces mots, considérés comme du « off » par le ministre, sont retranscrits par le journal Les Échos et l’hebdomadaire Challenges. La bombe est lancée: « On va progressivement entrer dans une zone – on y est déjà d’ailleurs – où la justification d’avoir un emploi à vie garanti sur des missions qui ne le justifient plus sera de moins en moins défendable ».
Critiques et recadrages
Mauvais timing pour le locataire de Bercy: François Hollande était attendu quelques heures plus tard dans son fief corrézien pour une remise de décorations à plusieurs fonctionnaires du département. « Attaché à ce statut », il a recadré son ministre en se lançant dans un éloge des droits et des devoirs de la fonction publique. « Être fonctionnaire, ce n’est pas être dans une position figée, ce n’est pas refuser la modernité, être fonctionnaire, c’est, au contraire, être toujours capable d’anticiper, de prévoir et de servir ».
La sortie d’Emmanuel Macron tombait tout aussi mal pour le ministère de la Fonction publique, en pleine négociation avec les syndicats de fonctionnaires sur les parcours professionnels. Dès le vendredi, certains représentants syndicaux comme la CFE-CGC ont souligné ces divergences de point de vue, qualifiant les propos d’Emmanuel Macron de « provocation gratuite ». « Y a-t-il deux discours au gouvernement? », celui « officiel » de la ministre Marylise Lebranchu et celui du ministre des Finances? », s’est demandé Guy Barbier, secrétaire général de l’UNSA Fonction publique.
La ministre concernée a, elle aussi, réagi ce lundi sur Europe 1 en donnant une leçon de communication publique à son collègue. « Un ministre n’est pas libre de ses propos », a-t-elle avancé. « Dans un petit groupe de réflexion, il y a toujours quelqu’un pour reprendre une phrase que vous avez jeté ».
L’émoi et la colère étaient tout aussi présents au Parti socialiste, dont les ténors étaient réunis samedi à la Mutualité à Paris. Pour le député d’Indre-et-Loire Laurent Baumel, appartenant à l’aile gauche du PS, « on a fait partir Arnaud Montebourg pour moins que cela. Emmanuel Macron s’est un peu spécialisé dans des provocations consistant à utiliser la rhétorique de la droite et les endosser comme un ministre supposé de gauche ».
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Ses détracteurs, qui parlent désormais de « macronerie », ne manquent pas de rappeler une autre sortie, également très vite recadrée, d’Emmanuel Macron trois semaines plus tôt sur les 35 heures. Le président du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a quant à lui, rapidement balayé la question: « Le président a mis les points sur les i, il n’y a pas de raison de polémiquer ».
Un léger rétropédalage
Dimanche, c’est le Premier ministre Manuel Valls qui a adopté une position publique légèrement plus tempérée à l’égard de son ministre après lui avoir passé un coup de fil plus critique en privé selon Europe 1. Devant les participants au Congrès national des radicaux de gauche, il réaffirme comme les autres « son attachement au statut des fonctionnaires » mais précise son « soutien jusqu’au bout » d’Emmanuel Macron, un ministre de l’Economie « talentueux qui oeuvre pour notre économie ».
Défendant sa liberté de ton et d’expression, le ministre de l’Économie a tenté de minimiser la portée des propos rapportés par la presse, « vision déformée de (sa) pensée ». « A aucun moment je n’ai parlé d’une réforme du statut de la fonction publique que le gouvernement envisagerait », a-t-il assuré dès le vendredi lors d’un entretien à l’AFP. Le lendemain, il s’est adonné à une nouvelle mise au point devant les journalistes et les curieux visiteurs de Bercy pour les journées du Patrimoine. Mettant en avant son propre statut de haut-fonctionnaire, il se promet qu’on ne le fera pas « tomber ni dans la langue de bois, ni dans les provocations ». « Pour nos concitoyens, pour le pays, et pour les fonctionnaires de Bercy, et moi j’en suis un, le débat vaut mieux que tout ce qu’on en fait ».
« Tout le monde doit faire attention à ses prises de paroles »
Trois jours après le début de la polémique, l’entourage du président de la République, cité par l’AFP, continue de rajouter des démentis sur une quelconque réforme dudit statut. « Les seuls sujets de discussion, ce sont des réformes que proposent le gouvernement (…) Aujourd’hui, tout propos mal rapporté peut devenir une information. Tout le monde doit donc faire attention à ses prises de paroles ». Une parole qui sera scrutée avec beaucoup d’attention mardi alors qu’Emmanuel Macron s’exprimera devant les députés PS pour un séminaire de rentrée sur le thème « Réussir et gagner: la gauche du gouvernement au service des Français ».