Monsieur, l’on a coutume de mander que la corde soutient le pendu. Serait-ce là votre mantra lorsque vous venez à déployer tant de zèle à des fins de rassurer votre monarque sur votre indéfectible loyauté ?
Nous en doutons fortement, Monsieur. Vous n’êtes point porté sur la confidence et pourtant vous vous lâchâtes voici peu en répondant à un jeune homme qui vous entretenait de son propre dessein de devenir un jour roi de France. Vous lui assénâtes une vérité qui nous laissa pantoise : vous lui confiâtes, Monsieur, qu’il était dans vos intentions de succéder au Flou après qu’il aura régné deux lustres durant. Et qu’à votre tour, vous entendiez ceindre la couronne pour deux lustres.
A des fins d’amoindrir la folle audace de votre propos, vos mages et maîtres à penser se hâtèrent de faire savoir qu’il ne s’agissait là qu’un d’un bon mot, d’un trait, d’une blagounette.
Monsieur, vous nous prenez pour une truffe. Souffrez que nous n’en croyions pas un mot : un gentilhomme qui prend tant de soin à veiller au bon ordonnancement de sa garde robe et qui, selon les dires de sa propre mère, range de bien vétilleuse façon ses poulaines de chambre, ne commet point de tel impair.
Le hasard, le fortuit, l’inattendu, l’improvisé, sont choses que vous ignorez. Votre dessein, votre destin, mangent vos jours et hantent vos nuits.
Lorsqu’il était ministre, Nicolas le Bref, votre ennemi gémellaire, songeait à trucider le roi Jacques le Hardi sitôt assis dans le fauteuil de son barbier : le coupe-chou inspirait ses pensées les plus viles.
Vous-même, Monsieur, êtes tout aussi frénétique. Nous est-il loisible de croire que vous attendrez plus d’une lustre pour enfin monter sur ce trône que vous chérissez avec la fougue et l’embrasement que l’on cultive Outre Pyrénées ?
Vous peinez à réfréner vos désirs que vous enfouissez sous des quintaux de zèle. Jamais, ô grand jamais vous le commettez l’impair, la gaffe, la boulette, de laisser percer votre ambition suprême.
Vous mouillez la chemise
Toujours au cul du roi, vous complimentez, admirez, encensez, flattez, tartinez : vous en faites de tonnes, Monsieur. Vous mouillez la chemise ! Tout au contraire de ce damné Bref à qui l’on vous compare souvent, ce qui vous met dans les transes.
Vous ne souffrez que l’on vous jauge à l’aune de ce Sarcosie de malheur : et vous riez de bon cœur lorsque votre petite coterie vient à le moquer sous le sobriquet de Joe Dalton.
A des fins d’éteindre les braises qui vous confèrent ce regard de grand inquisiteur, de matamore, vous êtes là, tel le génie des carpettes, à encenser, adorner, fleurir la geste de votre roi.
Viendrait-il à vous ordonner de le flatter à des fins de regonfler son moral de pneu crevé que vous vous exécuteriez aussi sec, tout de cautèle et de flagorneries bien beurrées.
Serait-il seul à gober vos tartes à la crème, ce pauvre roi qui, pour les jours à venir, n’a aucune chance de conserver sa couronne ?
Grand cafteur général
Il est certes gourd, mais point aussi benêt que vous le pensez sans doute aucun.
Il vous craint, vous redoute et s’inquiète de vos agissements auprès de Monsieur de Cazeneuve, élevé à la dignité de Grand cafteur général. Il fait sonder vos poches dans le dessein de s’assurer que vous n’y celez point une dague que vous planteriez dans sa bedaine rebondie.
Vous tâchez d’être irréprochable, Monsieur. De ne point laisser percer vos ambitions, vos intentions et vos stratagèmes. Mais votre tempérament, chaud bouillant, muy caliente, est votre pire ennemi. Il vous incite à mettre la charrue devant les bœufs, à bruler les étapes, écarter les importuns, faire si peu de cas de cette clique de braillards effarouchés qui vous reprochent à l’envi de n’être point de gauche, de mettre la doxa à l’encan et de faire des risettes aux jurandes d’entrepreneurs, ces exploiteurs, ces vampires.
Vous voici à porter la cangue du social traitre, du menchevik, du social libéral : injure suprême qui vous marque du fer rouge de l’apostasie.
Apostasie que vous partagez avec votre nouvel ami, Monsieur de Macron, ancien chouchou du roi, qui à présent mord la main qui l’a nourri. Pour le présent, vous voici tous deux cousus en la même peau de cochon.
Le jeune Macron qui cultive l’impertinence et l’irrévérence avec le talent consommé d’un prince jardinier, s’est pris de dénoncer l’obsolescence du statut des fonctionnaires. Reconnaissons lui une habileté certaine à mettre les pieds dans le plat. Oser ainsi s’en prendre à la plus fidèle coterie du parti socialiste, c’est gonflé ! Aurait-on jamais vu curé chanter les louanges du démon en chaire ? Blasphème ! Crime imprescriptible !
Jadis, Monsieur d’Allègre, ministre de l’Instruction publique de Lionel le Grincheux, s’était pris de « dégraisser le mammouth ». Le Grincheux, peu porté sur la gaudriole, qui entendait devenir roi, lui fit aussitôt trancher la langue et le renvoya à ses chères études.
Traine patins
Le Flou, qui déteste les conflits, s’est contenté de « recadrer » son impétueux ministre. Nulle âme ne doute qu’il recommencera, ce turbulent gamin qui prend grand plaisir à épandre le sel sur les plaies d’un socialisme moribond.
Et vous-même, Monsieur, que fîtes vous ? Loin de le condamner, de le blâmer, de lui faire donner le chat à neuf queues, vous lui apportâtes votre soutien et vous fendîtes d’un compliment qui offensa toute la camarilla de gauche : « talentueux », mandâtes-vous.
Les traine patins de la rue de Solférino s’étranglèrent.
Mais vous-même, Monsieur, restâtes de marbre. Ce compliment si fleuri pourrait cependant obscurcir votre ciel et compromettre vos ambitions. Vous êtes à guetter l’abdication ou le renoncement du roi à des fins à des fins de poser votre séant sur son trône, tel le coucou. Mais votre route vers la gloire est semée d’embûches : votre popularité ne frôle point le zénith, et votre rentrée politique semble ratée. La patience, qui n’est point au catalogue de vos vertus, devra s’inviter dans vos desseins. En d’autres termes, vas-y mollo, Paulo.