A deux jours du premier tour des lections rgionales, les ditorialistes de plusieurs quotidiens mettent leurs lecteurs en garde contre l’ascension du Front national, qui pourrait arriver en tte dans plusieurs rgions.
J-2 avant les élections régionales. Selon les sondages, le Front national (FN) atteint jusqu’à 40% dans certaines régions. Il pourrait arriver en tête au soir du premier tour aux quatre coins du pays et paraît en mesure de gagner Nord- Pas-de-Calais-Picardie, peut-être Provence-Alpes-Côte d’Azur. Une percée qui inquiète les journalistes et éditorialistes français.
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« Une grave menace pour le pays »
Ce vendredi, Jérôme Fénoglio – directeur du Monde - signe un éditorial piquant dans lequel il pointe notamment du doigt une idéologie et des propositions « contraires aux valeurs républicaines, à l’intérêt national et à l’image de la France dans le monde. » Il appelle à « redire que ce parti constitue une grave menace pour le pays ».
Une prise de position amorcée dès lundi par La Voix du Nord avec sa Une « Pourquoi une victoire du FN nous inquiète » et suivie dès le lendemain par une autre Une titrée « Marine Le Pen et le FN ne sont pas ce qu’ils disent ». Dans un éditorial, le directeur de la rédaction du quotidien, Jean-Michel Bretonnier, écrit d’ailleurs qu’en cas de victoire du FN, « les ferments de la division seront à l’oeuvre, diffusés par un parti aux deux visages ». « Il s’inscrit dans le jeu démocratique sans renoncer à sa radicalité; il adopte une posture « anti-établissement » en profitant du système », poursuit-il.
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L’offensive du quotidien régional n’a pas été du goût de la présidente du Front national: « Quelle idée avez-vous de vous-même pour vous croire autorisé à vous ériger en autorité morale et à lancer des fatwas contre vos concitoyens? », a-t-elle écrit dans une lettre ouverte au patron du groupe La Voix du Nord.
Les deux Unes consacrées au parti ont également provoqué la colère de certains lecteurs qui, comme le souligne le journaliste Laurent Decotte dans un éditorial, n’ont pas manqué de le faire savoir au quotidien régional. « Vomi », « collabos », « socialobolcheviks », « esclaves de musulmans », « pourriture de consanguins », « je chie sur votre journal », « ce n’est pas Charlie qui aurait dû être rafalé, mais votre putain de torchon » (sic) : autant de commentaires haineux que le journaliste qualifie de « déferlante d’ignominies » qui s’abat « en particulier sur les réseaux sociaux. »
« Ce n’est pas un programme économique responsable »
Dans Libération, Laurent Joffrin exprime lui aussi sa crainte de voir gagner le Front national lors de ces prochaines élections: « Si les sondages ont raison, le FN sera présent au second tour partout et l’emportera dans plusieurs régions », s’inquiète-t-il. « Est-ce grave? Oui », dit-il en expliquant que si le FN « est un parti légal, (il) n’est pas un parti comme les autres ». Pour le parti, poursuit-il, « la nation, ou l’idée qu’il s’en fait, passe avant tout. Avant la liberté, l’égalité ou la fraternité? Il faut le craindre ». Dès lors, il faut « tout faire pour barrer la route aux ennemis de la République ».
Interrogé par Le Parisien, Pierre Gattaz, président du Medef connu pour ses positions ultra-libérales et pro Union Européenne s’est quant à lui exprimé sur le programme économique du parti: « Ce n’est pas un programme économique responsable », a-t-il affirmé. « Il n’est tourné ni vers l’avenir, ni vers la compétitivité. » Pour lui, la fermeture des frontières est une idée à combattre: « le monde attend la France et ce n’est pas en nous recroquevillant sur nous-mêmes que nous allons y arriver. Il s’agit de ne pas confondre les problèmes sécuritaires avec les problèmes économiques. »
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« Ne pas s’abandonner à un caprice »
Pour Bernard Stephan de La Montagne, il y a, « à l’instar du dérèglement climatique (…) un dérèglement politique avec l’émergence d’un tripartisme » qui conduit les « partis traditionnels dans une impasse ». « Si pour faire barrage au FN au soir du premier tour l’un des deux [partis traditionnels] se retire, il disparaît de l’assemblée régionale pendant six ans ». Mais si « le PS et Les Républicains fusionnent leurs listes, ils brouillent les cartes, instillent la confusion et au lieu de contrer le Front national, ils lui décernent le label anti-système ». Face à cette « tripolarité », remarque Xavier Brouet du Républicain Lorrain, « Nicolas Sarkozy a tranché hier: « c’est non aux ‘combines d’états-majors' ».
Mais alors, « comment stopper l’irrésistible ascension du Front national? ». Jean Levallois, dans La Presse de la Manche, demande aux électeurs de la nouvelle région Normandie de « choisir, en conscience, celles et ceux » qu’ils veulent élire. « On rappellera seulement que la liberté, c’est la capacité pour un être humain de choisir ce qui est bien, et non pas de s’abandonner à un caprice ou à un mouvement d’humeur ».
Quant à elle, L’Humanité, sous la plume de Jean-Emmanuel Ducoin, renâcle toujours à répondre aux appels à l’union du parti socialiste « à moins de quatre jours d’un scrutin périlleux ». « Appeler aujourd’hui les électeurs de gauche à la responsabilité après avoir trahi à peu près tous les espoirs de 2012, il y aurait de quoi en rire si nous avions le temps de nous amuser », conclut l’éditorialiste du journal communiste.