Pour mieux décrypter la conjoncture turque

Pour tenter de comprendre la complexité de l’actuelle problématique turque, il faut lire (ou relire) le remarquable roman « Neige« , d’Orhan Pamük, prix Nobel de littérature 2006. Paru en 2002, publié en français en 2005 (Gallimard), il décrit avec beaucoup d’acuité les contradictions et les crispations de la Turquie profonde que, vues d’Occident, nous n’avons que tardivement perçues.

L’action tient en quatre jours de la vie d’un poète turc résidant habituellement en Allemagne, dont le nom de plume est Ka, et que le journal de centre-gauche « Cumhuriyet » a envoyé enquêter sur une étrange épidémie de suicides affectant des jeunes filles à Kars, près de la frontière arménienne, au fin fond de l’Anatolie.

Ka arrive dans une ville bientôt coupée du monde par une tempête de neige. Il y découvre une société figée dans ses comportements traditionnels, où le discours officiel moderniste et laïc de l’Etat (on est à l’articulation des années 1980-90) est insidieusement étouffé par un conservatisme religieux qui imprègne les moeurs et que ravive le phénomène général de réislamisation qui affecte alors l’ensemble du monde musulman. C’est parce qu’on veut leur interdire le port du foulard dans les établissements d’enseignement que des jeunes filles mettent fin à leurs jours. La tension est telle qu’à peine arrivé, Ka assiste à l’assassinat du directeur de l’Ecole normale, coupable d’exiger l’application de la loi. Le lendemain, une représentation théâtrale sera le prétexte d’une tentative improvisée et foutraque de coup d’état militaire dont les incohérences semblent la préfiguration de ce à quoi nous venons d’assister en grandeur réelle.

Au fil de ces événements, le romancier fait le tableau d’un monde très différent de l’idée qu’on se fait volontiers en Europe de la Turquie. La personnalité de Kémal Atatürk est certes constamment exaltée, mais rien ne répond en réalité au projet d’européanisation et de sécularisation de la société qui l’animait et dont l’un des signes le plus fort fut l’abandon de l’écriture arabe et l’adoption de la graphie latine pour transcrire la langue turque. Le petit monde de Kars n’a changé qu’en surface. Hormis une fragile minorité de fonctionnaires qui se fait d’ailleurs discrète, la grande majorité de la population reste une société musulmane traditionnelle, qui vote en faveur des partis islamistes et ne reste pas insensible au discours d’activistes clandestins que la police traque. Il règne une atmosphère de tension extrême qu’un rien suffit à transformer en explosion de violence. On perçoit que la Turquie profonde ne s’est pliée au réformisme kémaliste que contrainte et forcée, sous l’action coercitive d’une armée qui ne s’est jamais privée de corriger l’expression des votes conservateurs majoritaires par une succession de coups d’état. Jusqu’au jour (et nous y sommes) où le rapport de forces s’est inversé et a porté au pouvoir l’AKP et Erdogan.

On découvre également les mêmes dilemmes qu’aujourd’hui chez les vrais partisans de la démocratie. Au lendemain du pseudo coup d’état des militaires à Kars, les conservateurs rédigent une protestation qui le condamne. « Moi, déclare l’un des protagonistes du roman, en tant que moderniste, laïc, démocrate et patriote, est-ce qu’il faut que je croie d’abord aux Lumières ou en la souveraineté du peuple? Si je crois jusqu’au bout aux Lumières et à l’occidentalisation, il faut que je soutienne ce coup d’état militaire mené contre les religieux. Mais si je place la souveraineté du peuple avant toute chose et si je suis un démocrate sans concession,alors, dans ce cas, il faut que je signe cette déclaration« . Combien de Turcs se posent en ce moment la même question, face à la majorité populaire?

C’est donc aussi l’illusion d’une Turquie moderne et occidentalisée que la lecture de « Neige » dissipe. Cette Turquie, qu’on imaginait naguère s’intégrant à l’Union européenne, n’était qu’un « village à la Potemkine », ce décor monté à la hâte qu’en 1787, le ministre-favori de l’impératrice Catherine II installait le long de la route de la souveraine pour lui faire croire que la Russie marchait dans la voie du progrès.

Et comment précisément ne pas se souvenir à ce propos du cas historique de la Russie, qui suscita un fantasme semblable au temps des Lumières?

Après les réformes imposées au forceps par Pierre le Grand (qu’Atatürk considérait comme un modèle), une aristocratie moderne, européanisée, s’exprimant volontiers en français s’était imposée derrière la somptueuse vitrine de Saint-Pétersbourg et les élites européennes des Lumières avaient succombé à l’illusion. Diderot, Voltaire ne tarissaient pas d’éloges et ce dernier allait jusqu’à écrire que « c’est du Nord aujourd’hui que nous vient la lumière« ?

Nos philosophes n’étaient jamais allés dans l’empire de la Grande Catherine, où si cela avait été le cas (pour Diderot en particulier), ils n’avaient jamais dépassé la Cour ou les hôtels des nobles acculturés. S’ils avaient traversé la campagne russe (sans Potemkine), ils auraient découvert un monde médiéval, les moujiks barbus asservis, le poids d’une Eglise obscurantiste, un monde habitué à obéir, mais complètement étranger à cette ouverture à la modernité qu’ils imaginaient de Paris. Un siècle plus tard, le marquis de Custine déchirera le voile. Pas plus que, plus tard, celle de Staline, la Russie des Romanov n’était le modèle de l’avenir radieux.

Il y a quelque chose de comparable qui s’opère avec la Turquie. Et rares sont ceux qui persistent à croire que ce grand pays, tel qu’il est dans la réalité, puisse dans un délai prévisible devenir membre de l’UE.

Pour s’en convaincre, il suffit de lire « Neige« .

Le véritable amour est féminin, seul capable de tous les sacrifices

Dans les troubles du monde, on entend le bruit de plus en plus terrible de la violence des criminels et des terroristes, et les réponses de plus en plus répressives des policiers et des militaires. Dans les deux camps, pour l’essentiel, ce sont des hommes. De même, quand on veut introduire la voix de la non-violence, de l’amour et de la paix, on parle un langage d’homme, on en appelle à la « fraternité », comme si seuls des frères étaient capables d’amour.

On passe ainsi à côté de l’essentiel : le véritable amour est féminin, seul capable de tous les sacrifices. Autant l’amour d’une sœur (pourquoi parler de « fraternité » et pas de « sororité » ?) que celui d’une compagne, et plus encore l’amour d’une mère. Autant aussi que l’amour d’un homme, si viril soit-il, quand il assume sa part féminine et comprend que l’essentiel de son bonheur vient de ce qu’il donne aux autres et non de ce qu’il leur prend.

Les mères, en particulier, trouvent leur bonheur dans la vie et dans le bonheur donné à leurs enfants. Plus que personne, elles pensent à l’épanouissement des générations suivantes ; elles comprennent, avant tout le monde, quand et pourquoi leurs enfants dérapent et s’éloignent d’une ambition juste. Si on écoutait les mères, les sœurs et les femmes amoureuses, si on leur donnait les moyens d’agir, le monde serait radicalement différent, infiniment plus pacifique qu’aujourd’hui.

Cela n’est pas nouveau. Ce sont les femmes qui, souvent dans l’Histoire, ont empêché les hommes de faire des folies. Et l’histoire de Lysistrata, que raconte Aristophane, se retrouve presque à l’identique dans d’innombrables civilisations et mythologies : la grève du sexe pour forcer les hommes à faire la paix. Les mères peuvent aussi exiger de leurs enfants qu’ils cessent de se battre. Mais elles ne peuvent seules, si les hommes les abandonnent, maintenir leur progéniture dans le droit chemin.

Aujourd’hui, si on écoutait les femmes, et d’abord les mères, les conséquences seraient immédiatement très positives. D’abord, on les respecterait davantage, et bien des violences cesseraient, dont elles sont victimes. Ensuite, on entendrait ce qu’elles crient, en général en vain : les enfants élevés sans famille ni éducation sont des proies faciles pour les sectes et les bandes de toute nature. Dans les circonstances actuelles, cela signifierait, en particulier en France, qu’il faut écouter les femmes de tous les milieux, leur donner les moyens de parler aux jeunes et aux hommes, et suivre les conseils suivants, qu’elles donnent aux politiques :

1. Se préoccuper des enfants dès la maternelle, afin qu’ils acquièrent le même vocabulaire.

2. Surveiller les jeunes adolescents, surtout ceux élevés sans père, pour s’assurer qu’ils suivent les cours et bénéficient des mêmes conseils d’orientation que les autres. Là se joue la vie, là peut commencer une dérive vers le pire.

3. Aider les femmes à parler aux jeunes adultes, en mères, en compagnes ou en sœurs, pour détecter cette possible dérive.

4. Fournir aux associations en charge de l’orientation les moyens de travailler.

On est loin du débat pitoyable sur l’ampleur nécessaire de l’arsenal répressif : ne s’intéresser qu’à cela, c’est tenter de vider une baignoire qui déborde, aux robinets grands ouverts, avec une petite cuillère. Il est urgent de sortir de la surenchère répressive pour donner aux mères les moyens massifs d’une action associative efficace. Si on ne le fait pas, ce ne sont pas quelques terroristes isolés qui nous menaceront, mais des générations entières d’enfants perdus. A nous de ne pas gaspiller le trésor qu’ils représentent.

Macron, « un rond-de-cuir devenu Brutus » selon un vallsiste: ses proches répondent

Le sénateur PS Luc Carvounas a vivement critiqué dimanche Emmanuel Macron. Ses partisans ont réagi sur Twitter, alimentant des échanges musclés entre le fidèle soutien du Premier ministre et ceux du ministre de l’Economie.

C’est un énième épisode de l’affrontement entre Manuel Valls et Emmanuel Macron. Cette-fois, il se fait par lieutenants interposés. Le lieu de la bataille? Twitter. Dimanche, Luc Carnouvas, un proche du Premier ministre, n’était pas allé de main morte à propos du ministre de l’Economie. Cité par Le Parisien, le sénateur et maire PS d’Alfortville (Val-de-Marne) a déclaré « ne pas s’être engagé en politique voilà plus de vingt ans pour s’extasier devant un rond-de-cuir devenu Brutus ».

Les propos ont fait bondir les partisans d’Emmanuel Macron sur Twitter. A commencer par le député PS des Alpes-de-Haute-Provence Christophe Castaner. L’ancienne tête de liste socialiste en PACA, qui aurait bien voulu maintenir sa liste au second tour des élections régionales de décembre, a évoqué le soutien de Luc Carvounas à la tête de liste des Républicains Christian Estrosi lors du duel entre la droite et le FN au second tour.

A l’époque, le PS et son premier secrétaire Jean-Christophe Cambadélis avaient fait pression auprès des socialistes locaux pour que la liste socialiste, arrivée en troisième position, se retire au profit de la droite et du centre. La rue de Solférino craignait que le maintien de la liste PS permette à celle du FN, menée par Marion Maréchal Le Pen, de conquérir la région.

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Attaqué par les pro-Macron, Carvounas tire à nouveau

Quelques heures après la publication des tweets de Christophe Castaner, Luc Carvounas a répondu ce lundi matin à son collègue socialiste.

Le proche de Manuel Valls a aussi déploré « l’immaturité » des « marcheurs » d’Emmanuel Macron, sillonnant la France au profit du ministre de l’Economie en attendant une possible déclaration de candidature à la présidentielle.

Un autre partisan d’Emmanuel Macron, le député socialiste du Finistère Richard Ferrand, a lui aussi critiqué les propos de Luc Carvounas.

Ce n’est pas la première fois que Luc Carvounas critique Emmanuel Macron. En juin, sur RCJ, le lieutenant de Manuel Valls avait ironisé à propos du nom de son mouvement politique, « En marche ». « Je veux bien qu’il soit ‘en marche’. Déjà, il va être en marche pour aller payer ses impôts, si j’ai bien compris », avait fustigé le sénateur socialiste, faisant allusion à la réévaluation du patrimoine du ministre de l’Economie et de son épouse par l’administration fiscale, l’obligeant à payer de façon rétroactive l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

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Attentats et présidentielle: des vacances en pointillé pour les politiques

Alors que la lutte contre le terrorisme est au coeur des préoccupations des Français, les personnalités politiques choisissent de ne pas disparaître trop longtemps.

Des vacances réduites à peau de chagrin. Dans un contexte sécuritaire et à neuf mois de l’élection présidentielle, la plupart des politiques se contenteront cet été de quelques jours « en famille ». Pour les membres du gouvernement, les congés commencent officiellement mercredi, à l’issue du Conseil des ministres, mais s’annoncent en pointillé.

Pas de répit pour le président François Hollande qui, face à la menace terroriste, a décidé de tenir un Conseil de défense hebdomadaire à l’Élysée avec son Premier ministre et les ministres de la Défense, de l’Intérieur, de la Justice et des Affaires étrangères. Le chef de l’État assistera à l’ouverture des JO à Rio jeudi et vendredi et ne prendra que « quelques jours de repos » ensuite.

Valls dans les Alpilles, Macron au Touquet

Manuel Valls passera plusieurs jours « en famille » dans les Alpilles. Bernard Cazeneuve se reposera « un jour ou deux » dans sa maison de Lamorlaye, dans l’Oise. Le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian ira dans sa Bretagne natale. Tout comme Jean-Marc Ayrault, qui se rendra aussi près d’Annemasse (Haute-Savoie). Direction le Vaucluse pour le garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas, qui « emporte évidemment ses dossiers » et prévoit, selon son entourage, de faire au moins une visite de prison dans la région.

Les ministres moins exposés ont, eux, droit à une petite trêve, même s’ils ont pour consigne de pouvoir regagner Paris « le plus rapidement possible ». Après une année mouvementée, la ministre du Travail Myriam El Khomri se ressourcera quelques jours en Gironde et en Italie. Ségolène Royal (Environnement) ne prend pas de vacances, mais participe à une expédition scientifique pour étudier la fonte des glaciers en Arctique.

Ministre de l’Agriculture et porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll prévoit de se « reposer une dizaine de jours », sans faire de « projet particulier ». Emmanuel Macron vient pour sa part de clore un tour de France avec son mouvement En marche! et doit maintenant prendre des vacances dans sa propriété du Touquet-Paris-Plage (Pas-de-Calais), selon un proche.

Sarkozy en vacances au Cap Nègre

« Je ne prends pas vraiment de vacances cette année (…) L’actualité ne s’accommode pas de vacances au sens propre du terme », explique François Bayrou, qui reste « chez lui » dans le Béarn pour « écrire, poser des réflexions sur le pays ».

L’ancien président Nicolas Sarkozy, pas encore officiellement en course pour la primaire à droite en vue de 2017, est actuellement en vacances au Cap Nègre (Var) dans la propriété familiale de son épouse Carla.

Juppé sur la côte landaise

Du côté des LR déjà candidats à la primaire à droite, l’ex-Premier ministre Alain Juppé s’accordera des congés en famille, notamment sur la côte landaise. Très concentré sur sa campagne, Bruno Le Maire devrait tout de même se rendre quelques jours au Pays basque. Nathalie Kosciusko-Morizet ira comme chaque année à Sainte-Mère-Église (Manche), avec ses enfants. Elle reprendra la route à la fin de la semaine avec son équipe, pour continuer à rechercher des parrainages.

Quant à la présidente du Front national, Marine Le Pen, elle est en vacances dans le Sud-Ouest jusqu’à fin août, période du coup d’envoi des universités d’été des différents partis. Fait inédit depuis 1993, le PS ne se retrouvera pas cette année à La Rochelle et fera sa rentrée en ordre dispersé.

L’édito de Christophe Barbier: les musulmans doivent « accepter une organisation »

Par Christophe Barbier, publié le 02/08/2016 à 14:11

Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, a promis des mesures sur le financement du culte musulman, la formation des imams et le contrôle des mosquées. Mais un nouveau conseil du culte devrait aussi être créé. Il exercerait une autorité, éviterait les déviances et sanctionnerait les foyers radicaux. L’édito de Christophe Barbier.