Finkielkraut expulsé. Varoufakis ovationné. Fatwa sur l’un, kawa pour l’autre. Les Politrouki de la Place, jusques alors agrégés en une sorte de croisade des Pastoureaux, auraient-ils tombé le masque de l’innocence?
Désormais consacrée tel le lieu rituel de la protestation, la Place est ainsi devenue l’endroit le plus mondain de Paris: d’aucuns, célèbres en Cour, font des pieds et des mains à des fins de s’y faire voir et surtout de le faire savoir, sinon dans quel dessein se dépêcheraient-ils d’y paraître?
Nulle âme bien née ne peut croire un moment que la densité des prêches tout ainsi que la ferveur de ces nouveaux zélotes suffiraient à susciter les envies de s’y encanailler.
A présent, rien n’est plus tendance que de clamer, en affectant un héroïsme de souper: « J’y étais ». Ce terrible aveu de bravitude ne manque jamais séduire et pâmer les convives en mal de frissons extrêmes.
Le roi s’en soucie qui souhaiterait de tout coeur savoir ce qui s’y trame
Viendraient-ils, ces jeunes descamisados, à comploter contre lui?
Encore faut-il franchir avec succès les barrières du tri sélectif: pour le peu que votre visage soir connu, il sied néanmoins d’être de gauche, de cette gauche qui honnit le roi tout ainsi que son gouvernement et sa camarilla.
Le roi s’en soucie qui souhaiterait de tout coeur savoir ce qui s’y trame, en cette Place, ce qui s’y fomente, s’y ourdit: viendraient-ils, ces jeunes descamisados, à comploter contre lui à des fins de le renverser et bousculer ainsi une échéance que tout un chacun considère comme fatale?
Le roi, toujours lui, songea donc à dépêcher le comte Cazeneuve, le fin limier du royaume, dans le dessein de sonder les coeurs et les âmes. Sitôt projetée, l’idée fut promptement écartée: le comte risquait gros à devoir manger son chapeau devant une foule de chenapans débraillés, selon l’étiquette en vigueur sur la Place.
Quand soudain, le roi se souvint que l’un de ses conseillers, Monsieur de Poignant, victime d’un lourd revers en sa Bretagne, croupissait en une soupente du Château.
L’on fit donc venir l’infortuné Poignant à qui Monsieur de Gantzer, l’imagier du roi, s’empressa d’enjoindre de ne plus fréquenter barbier et perruquier pendant au moins une lune, à des fins de le grimer en sans dent, à faire la manche. Monsieur de Poignant, tout de zèle et de dévotion à son roi, s’étonna mais s’exécuta.
Il gagna donc la Place dans le dessein de rapporter à son roi les indiscrétions et les fagots qui feraient le miel de sa curiosité.
Mission accomplie: Monsieur de Poignant s’en revint au Château, couvert de chips et maculé de pinard, rapportant au roi que l’atmosphère y était, selon ses mots, « bon enfant » et que les merguez étaient très bonnes.
Dans son immense mansuétude, le roi décida d’absoudre ces Pastoureaux, chaudement complimenté par Ayrault de Nantes qui croyait encore à la rédemption de la loi El-Khomri.
Le régime avait eu chaud aux fesses
Sur le noble visage du roi se peignirent soulagement et béatitude. Le régime avait eu chaud aux fesses. Soucieux de tartiner ses bontés d’une couche de confiture , il souffla au comte Valls de Catalogne l’idée de verser une allocation aux jeunes de moins de cinq lustres jusques alors injustement écartés des libéralités royales. Le temps de la pommade était venu, ainsi qu’il sied de procéder après avoir fait donner le bâton.
A souper, le roi se montra disert et enjoué, jusques à ce que le baron Cazeneuve, en charge de la Sûreté, lui souffle que l’on venait de lui rapporter que le philosophe académicien Finkielkraut avait été expulsé de bien vilaine façon de « Nuit Debout’ », sous les crachats et les injures.
Le roi se tourna alors vers Madame d’Azoulay, la nouvelle ministre des Beaux arts et des Belles lettres.
– Avez-vous seulement songé, Madame, à déplorer que l’on molestât un philosophe en cette Place? Avez-vous seulement songé, Madame, à rendre publics quelques mots de compassion à des fins de tancer, mais avec ménagements, celles et ceux qui auraient offensé un académicien, certes un peu rasoir, mais tout de même membre éminent de notre académie royale?
La baronne, prise la main dans le sac, plongea élégamment le nez en son potage, rosissant légèrement, de bien charmante façon.
Le roi se le tint pour dit: la fatwa lancée sur Monsieur Finkielkraut resterait donc impunie. Point de fessée déculottée pour ces chenapans qui l’avaient traité de « facho » et de « réac » , donc d’hérétique et d’ennemi du peuple.
Le baron Le Foll, jusques alors coi, ne manqua point célébrer l’affaire: ministre des Champs et des manants, il se fendit d’une métaphore plutôt gratinée à l’encontre de l’infortuné philosophe:
– Avec sa tronche de griffon Korthals, il n’a eu que ce qu’il méritait!
Soulagée de se voir ainsi absoute par le premier porte-flingue du roi, la baronne d’Azoulay esquissa un charmant sourire entendu.
L’atmosphère s’en trouva comme éthérée jusques à ce que cet empoté d’Ayrault de Nantes, toujours à côté de ses chopines vénitiennes, s’en vienne à conter que, le même jour, l’ancien ministre grec des Finances, Monsieur de Varoufakis, avait été ovationné telle une rock-star en cette Place. La foule en délire avait littéralement bu ses paroles. Le comte Ayrault s’en réjouit bruyamment jusques à ce que le comte Le Foll se prenne de doucher son enthousiasme de groupie sur le retour.
– T’es vraiment trop naze! Varoufakis a déclaré sa flamme à ce faux cul de Macron et publiquement flétri la politique du roi! C’est lui qu’il aurait fallu virer et non Finkielkraut qui n’a commis pour seul péché que celui d’endormir les foules.