Boris

L’ex-ambassadeur, proche de Nicolas Sarkozy, avait été arrêté en 2013 à Paris avec 350 000 euros en liquide. Il comparaissait ce lundi devant le tribunal correctionnel. « Quatre ans après les faits, je confirme que je n’avais pas d’autre option [que de transférer de l’argent en liquide]. Si je devais le refaire, je le referai. » Fébrile, après une cascade de questions, Boris Boillon se défend. Face à lui, le président est perplexe. Depuis près de deux heures, il l’interroge sur les éléments du dossier qui n’ont pas été éclaircis par l’enquête.  Ce lundi 22 mai, l’ancien ambassadeur de Tunisie et d’Irak, Boris Boillon, est jugé pour défaut de déclaration, faux et usage de faux, blanchiment de fraude fiscale et abus de biens sociaux. Le diplomate, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, a été interpellé en juillet 2013 à la Gare du Nord, à Paris, en possession d’une très importante somme d’argent en espèces. Il s’apprêtait à quitter la capitale en Thalys, pour se rendre à Bruxelles, lorsque des agents de la douane l’ont contrôlé. Bilan: 350 000 euros et 40 000 dollars, qu’il n’avait jamais déclarés.    Face à la cour, l’accusé se tient droit. Son costume est parfaitement ajusté. Combiné à son imposante montre, son teint halé sur un visage juvénile -en dépit de ses 47 ans- lui donne des allures de businessman clinquant.  Le président Peimane Ghaleh-Marzban semble connaitre le dossier sur le bout des doigts. C’est sans difficulté qu’il revient sur les éléments à étudier et n’hésite pas à parler de son profil psychologique. Et pour cause, l’homme qui se présente devant lui incarne la confiance en soi. Il se présente par ailleurs comme « un homme d’action » dont la valeur ajoutée est « de mériter le salaire de la peur » en « arpentant des terres difficiles »: « Après mon passage à l’ambassade de Tunisie, j’ai profité du changement de majorité pour passer à l’action. J’aime sortir de ma zone de confort, » analyse-t-il.  Le président l’interroge sur son emploi de consultant en Irak, pays qu’il connaît bien pour y avoir résidé de 2009 à 2011. Se serait-il servi de ses contacts de diplomate pour faire des affaires? Il assure que non, argumentant tout de même qu’il n’allait « pas se priver » de jouir de son titre d’ancien ambassadeur.   Pour convaincre la cour qu’il n’y a pas de conflit d’intérêts, Boillon parle, beaucoup. Le président Ghaleh-Marzban ne le laisse pas poursuivre ses explications. Le « Sarko-boy » s’en plaint à son avocat.  Il présente sa société et ses champs d’action: hôpitaux, électricité, eau, transport, sport et jeunesse. Sa société de conseil Spartago a pour but « d’aider un pays en sortie de guerre à se reconstruire », en dépit des « risques ». « Comme dit l’adage, il faut donner au peuple du pain et des jeux », dit-il lorsqu’il est interrogé sur un projet de complexe sportif en Irak.  S’il n’est pas jugé directement pour ses activités dans le pays, ces éléments sont liés à son dossier et à ses partenaires. Un point particulier pose problème au président: son associé, un homme d’affaire irakien influent qu’il avait aidé, à l’époque où il était encore ambassadeur, à obtenir la nationalité française ainsi qu’un poste de consul honoraire. « Je l’ai fait par courtoisie, » rétorque Boillon.  Le président plisse les yeux, dubitatif face aux explications de l’accusé. Son expression devient presque grimaçante lorsque le « James Bond de la diplomatie » (tel que nommé dans un magazine people qui avait fait son portrait) affirme n’avoir aucune information concernant les possibles affaires de corruption de son associé. « Il y a un parfum de corruption lancinant dans ce dossier, » juge le magistrat. « Vous êtes-vous associé à cette personne, car vous saviez qu’ainsi vous pourriez obtenir plus facilement des contrats concernant des marchés publics? » La question ne plaît pas à Boillon, qui tente de se contenir, tant bien que mal. « La corruption ne me concerne pas, je n’ai rien à dire. »  La cour ne compte cependant pas s’arrêter là. À propos des billets, identifiés comme étant italiens et finlandais et provenant de Dubaï, le président demande un éclaircissement: « Leurs numéros se suivent, ça ne peut pas être dû au hasard… » Mais pour Boillon, rien de très étonnant. « Vous, qui êtes pourtant une personne renseignée de par votre expérience, vous ne vous êtes pas posé la question de l’origine de cet argent? » Le prévenu affirme que non.   Pour lui, recevoir de l’argent liquide n’a par ailleurs pas de quoi surprendre: « Je fais à Rome comme font les Romains, » avance-t-il pour justifier sa rémunération en espèces. « Je n’ai jamais vu un Irakien procéder autrement qu’en liquide […] je m’adapte aux us et coutumes. »  Pour autant, cette « vision des choses » n’explique pas très bien les raisons qui l’ont poussé à traverser trois frontières (Irak, Suisse, France) sans déclarer cet argent liquide [la loi impose de déclarer tout transport d’espèces de plus de 10 000 euros dans l’Union européenne], ni même pourquoi il l’a amené. « J’ai fait sur le moment, avec les moyens que j’avais à disposition. » Il l’assure: procéder à un virement était « bien trop compliqué » dans sa situation et déclarer une telle somme à la douane irakienne aurait pu le mettre en danger.