Loi Travail: entre Valls et la CGT, les relations se réchauffent

Alors qu’une nouvelle semaine de contestation s’ouvre contre la loi Travail, le gouvernement distille ses appels au calme et tente de donner des gages aux syndicats et aux opposants.

L’heure est à l’apaisement, après des semaines d’affrontements sur la loi Travail. Depuis le début de la semaine, le gouvernement égraine les appels au calme après les déclarations fracassantes du patron des patrons, Pierre Gattaz, qui a estimé lundi que certains militants CGT se comportaient comme des « voyous », des « terroristes ».

Valls condamne les propos de Gattaz

Une comparaison qui n’est pas du tout passée et qui a poussé la Confédération générale du travail, opposée à la loi Travail, à déposer une plainte pour diffamation, mardi.

Le même jour, le Premier ministre lui-même est monté au créneau pour dénoncer ces propos, qu’il a jugé « pas acceptables ». Un soutien timide mais franc, qui illustre le réchauffement des relations entre la CGT et le gouvernement.

Manuel Valls a par ailleurs joint samedi, par téléphone, Philippe Martinez. Une première depuis le mois d’avril qui a été bien perçue. « Quand on se parle [avec le gouvernement, NDLR], c’est quand même mieux » s’est réjoui Philippe Martinez. « On a pris ça comme une volonté de dialoguer, c’est ce qu’on demande depuis trois mois », a-t-il poursuivi.

Des cadeaux en coulisses

Mais pour l’instant, ce rapprochement n’a pas abouti à grand chose: Philippe Martinez continue d’appeler au retrait de la loi. Ce mardi matin, il a énuméré les quatre articles refusés par la CGT – l’inversion de la hiérarchie des normes, le périmètre des licenciements collectifs, la question du référendum en entreprise, et la médecine du travail – tandis que le chef du gouvernement rappelait, de son côté, sa fermeté à faire adopter la loi portée par la ministre du Travail Myriam El Khomri. « Reculer serait une faute politique », a-t-il assuré devant des députés socialistes.

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Emmanuel Macron va devoir payer l’impôt sur la fortune

Mediapart et le Canard enchaîné assurent ce mardi que le ministre de l’Economie va devoir payer un impôt qu’il voulait supprimer il y a peu: l’ISF. En cause: une sous-évalutation du patrimoine immobilier de son foyer.

Entre Emmanuel Macron et l’ISF, c’est le grand désamour. Le ministre de l’Economie voulait d’ailleurs le supprimer en avril dernier, ce qui lui a valu un recadrage dans les règles du Premier ministre. Ils vont devoir pourtant passer un peu de temps ensemble. Comme l’assurent ce mardi Mediapart et le Canard enchaîné, Emmanuel Macron va en effet devoir payer l’impôt sur la fortune.

En cause notamment la valeur de la maison de sa femme Brigitte, au Touquet, qui a été sous-évaluée. Après réévaluation du patrimoine immobilier du couple par l’administration fiscale, le seuil fixé à 1,3 million d’euros (d’actifs nets taxables) a été franchi. « À l’issue de plus d’un an et demi de discussions avec le fisc […] le ministre de l’Economie a finalement admis qu’il devait payer l’ISF et déposé une déclaration rectificative pour les années 2013 et 2014″, explique le site d’information.

« Ils n’ont fait l’objet d’aucune notification d’un redressement »

Contacté par Mediapart, le cabinet du ministre s’est retranché derrière le « secret fiscal » et n’a fait aucun commentaire. Mais, les proches du couple tentent de déminer le dossier, potentiellement explosif pour le locataire de Bercy, et assurent que « la situation fiscale de M. et Mme Macron est tout à fait régulière, toutes les déclarations auxquelles ils sont assujettis ont été effectuées […] Ils n’ont fait l’objet d’aucune notification d’un redressement ».

D’après les calculs du site fondé par Edwy Plénel, le rattrapage auquel va devoir faire face Emmanuel Macron devrait rester inférieur à 10 000 euros, « intérêts ou pénalités compris ».

Le scénario rêvé de Macron pour 2017

Avec la montée en puissance de son mouvement En Marche!, Emmanuel Macron est à la manoeuvre pour empêcher la candidature de François Hollande lors de la prochaine présidentielle.

[EXCLUSIF] Non seulement Emmanuel Macron est persuadé que François Hollande ne pourra pas se présenter en 2017, mais il fait tout pour l’en empêcher. C’est l’un des buts de son parti, En Marche! « Nous comptons déjà 50000 adhérents. Dépasser la barre des 100000 à l’automne serait un signal très positif et ferait de nous un acteur incontournable, estime-t-on dans son entourage, nous apporterons un diagnostic [objet du porte-à-porte] et des propositions. »

L’espoir est que cette offre permette à la prédiction de Gérard Collomb, maire de Lyon, de se réaliser: si Macron est très haut dans les sondages et Hollande très bas, ce dernier n’ira pas au combat. Macron estime que le calendrier joue pour lui: à la rentrée, les candidats à la primaire de la droite vont se déchirer.

« Soupçon de double allégeance »

A gauche, le débat sera curarisé dans l’attente que Hollande se prononce sur sa candidature, en décembre. Pour être parfait, le scénario doit s’accompagner d’une démission du ministre: « Emmanuel est quelqu’un de méthodique, il sait qu’il est crédité d’une grande franchise, mais qu’elle est questionnée par son maintien au gouvernement, ce qui entretient le soupçon de double allégeance. »

Au point que certains donateurs potentiels retiennent leur passage à l’acte. La levée de fonds s’en trouve compliquée. BFMTV révélait récemment l’existence de deux réunions à cet effet, les 1er et 8 juin. C’est Edouard Tétreau, conseiller de dirigeants, qui les organisait, mais les a annulées en raison de leur médiatisation.

Emmanuel Macron: « On ne tutoie pas un ministre »

Le ministre de l’Economie tente, encore, de déminer sa phrase polémique de la semaine dernière sur le « costard et le t-shirt ». Ce mardi, il a répété qu’il n’avait « ni mépris ni démagogie » et a expliqué qu’on « n’invectivait pas » un ministre.

Déminer coûte que coûte sa réplique polémique. Ce mardi, le ministre de l’Economie, en déplacement à Valenciennes, s’est encore justifié sur sa phrase « le meilleur moyen de se payer un costard c’est de travailler » prononcée la semaine dernière face à des opposants à la loi Travail.

« On ne tutoie pas un ministre »

Emmanuel Macrona répété n’avoir « ni mépris ni démagogie », et a souligné qu’il avait du « respect » pour « les salariés » et demande la même chose en retour: « le vrai respect est d’écouter [les salariés] et aussi de répondre ce que je pense […] J’attends aussi d’eux qu’ils respectent les représentants des pouvoirs publics: on ne tutoie pas un ministre, on ne l’invective pas ».

Le 28 mai dernier, le ministre de l’Economie avait été pris à partie par deux militants proches du mouvement Nuit Debout, lors d’un déplacement à Lunel, dans l’Hérault. Jordan, 21 ans, a fait remarquer à Emmanuel Macron que lui n’avait « pas de sous » pour se payer « un costard comme ça » ce à quoi avait répondu l’intéressé: « Vous n’allez pas me faire peur avec votre t-shirt. La meilleure façon de se payer un costard, c’est de travailler ». Une réponse cinglante vivement critiquée depuis.

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« [Le ton du ministre était] un peu méprisant, ça voulait dire: ‘vous vous ne travaillez pas’, a expliqué à BFMTV Roland Veuillet, l’une des deux personnes qui a interpellé le ministre la semaine dernière. Sur le coup j’étais choqué. J’ai cru avoir mal compris la phrase ! »

« [Sa phrase] m’a choqué, renchérit Jordan à l’origine de l’altercation. Je ne pensais pas que ça allait prendre cette ampleur-là. Je me suis dit: ‘c’est normal, il est ministre, il a tous les droits ».

A Bordeaux, Alain Juppé tacle François Hollande

« Les hommes sont comme les vins, avec le temps, les bons s’améliorent et les mauvais s’aigrissent » a lancé Alain Juppé, qui inaugurait la Cité du vin en présence de François Hollande.

Du vin et des bons mots. François Hollande et Alain Juppé ont inauguré ce mardi à Bordeaux la Cité du vin. Le lieu, qui ouvrira mercredi au public, se veut à la fois pédagogique et touristique. Une inauguration dont a profité le maire Les Républicains pour glisser quelques commentaires ironiques à l’égard du chef de l’Etat.

Lors de son discours, Alain Juppé n’a pas manqué de relever que François Hollande en était à sa troisième inauguration à Bordeaux depuis 2013. »Je vais finir par me dire que vous aimez les inaugurations bordelaises », s’est amusé le maire. Et d’ajouter: « Je n’ose vous inviter, Monsieur le Président de la République. Sachons raison garder », en référence à la Fête du vin prévue fin juin. Pas en reste, François Hollande y est aussi allé de son petit trait d’humour sur le sujet: « J’étais ici, encore ici, toujours ici », a répliqué le chef de l’Etat en rappelant une précédente visite à Bordeaux.

« Les bons s’améliorent et les mauvais s’aigrissent »

Mais Alain Juppé ne s’est pas arrêté en si bon chemin et a subtilement taclé le président de la République. « Les hommes sont comme les vins, avec le temps, les bons s’améliorent et les mauvais s’aigrissent », a-t-il lâché, citant Cicéron. Ajoutant dans un large sourire: « Que de sagesse! » De son côté, François Hollande a défendu les bons résultats de ces dernières semaines. « Ce qui compte le plus pour nous, c’est que l’économie va mieux. Les bonnes nouvelles s’amoncèlent », a-t-il martelé, sans toutefois revenir sur les tensions sociales liées au projet de loi Travail.

François Hollande renonce à couper dans le budget de la recherche

Les annulations de crédits sont annulées. Les budgets pour la recherche échappent à 134 millions d’euros de coupes, prévues pour financer d’autres mesures coûteuses pour l’Etat.

François Hollande a entendu le cri d’alarme des prix Nobel. Le président a renoncé aux annulations de crédit de 134 millions d’euros sur le budget de la recherche, a annoncé ce lundi le prix Nobel de physique Serge Haroche, qui venait d’être reçu à l’Elysée avec cinq autres grands scientifiques.

« Un suicide scientifique et industriel »

Le chef de l’Etat recevait cinq prix Nobel français et un lauréat de la Médaille Fields, qui ont exprimé leur indignation suite à la décision du gouvernement de procéder à d’importantes annulations de crédits.

Françoise Barré-Sinoussi (prix Nobel de médecine), Claude Cohen-Tannoudji (physique), Albert Fert (physique), Serge Haroche (physique), Jean Jouzel (vice-président du Giec au moment où celui a reçu le Nobel de la Paix) et Cédric Villani (médaille Fields, la récompense la plus prestigieuse en mathématiques) ont dénoncé ces coupes budgétaires qui selon eux « s’apparentent à un suicide scientifique et industriel ». Leur tribune, publiée lundi dernier dans Le Monde, est également signée de Jules Hoffmann (médecine) et Jean-Marie Lehn (chimie). Le Nobel d’économie Jean Tirole a soutenu leur démarche.

Il faut trouver 1,1 milliard d’économies

Pour financer les différentes mesures (plan emploi, agriculture, sécurité etc.) annoncées depuis janvier, le gouvernement a préparé un projet de décret prévoyant au total 1,1 milliard d’euros d’économies budgétaires supplémentaires en 2016. La Mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (Mires) était appelée à fournir un quart de cet effort, avec 256 millions d’euros d’annulations de crédit dont 134 millions d’euros concernaient les subventions allouées aux organismes de recherche.

Il était prévu de mettre le CEA à contribution à hauteur de 64 millions d’euros, le CNRS de 50 millions, l’Inria et l’Inra de 10 millions chacun.

Législatives partielles: match nul entre Les Républicains et le PS

Lors des législatives partielles organisées dans les Alpes-Maritimes et dans le Bas-Rhin, les partis des Républicains et du Parti socialiste ont conservé chacun leur siège.

Une victoire chacun. A l’occasion de deux législatives partielles organisées dimanche dans le Bas-Rhin et les Alpes-Maritimes, le Parti socialiste (PS) et Les Républicains ont conservé leur siège. Dans la 5e circonscription des Alpes-Maritimes, Marine Brenier des Républicains, âgée de 30 ans, s’est imposée contre le candidat du Front national Michel Brutti, avec 64,09 % des voix contre 35,91 %. Ce scrutin a toutefois été marqué par un taux d’abstention dépassant les 77 %.

A l’Assemblée nationale, la jeune élue remplacera le maire de Nice et président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Christian Estrosi, qui devait abandonner l’un de ses mandats pour se mettre en conformité avec la loi sur le cumul.

Victoire du PS dans le Bas-Rhin

Conseillère municipale à Nice et conseillère départementale, Marine Brenier devra d’ailleurs abandonner un de ses sièges. Nicolas Sarkozy, président des Républicains, a félicité la présidente des Jeunes Républicains.

Du côté de la première circonscription du Bas-Rhin, à Strasbourg, c’est le candidat socialiste qui a emporté la législative partielle. Eric Elkouby l’a emporté avec 53,77 % des voix contre le Républicain Jean-Emmanuel Robert, qui a obtenu 46,22 % des suffrages. Le nouvel élu est un proche du député sortant Armand Jung, qui a démissionné pour raison de santé. Comme dans les Alpes-Maritimes, l’abstention s’est élevée à plus de 77 % des électeurs.

Verdun: « J’irai courir sur vos tombes »

verduEn finira-t-on jamais avec cette symbolique de patronage? L’on a connu Monsieur Schlöndorff plus inspiré: quelle idée saugrenue d’avoir fait courir des milliers de jeunes au milieu des tombes à des fins de commémorer le centenaire d’une bataille de la Grande guerre?

L’affaire, ce marathon chez les Poilus, déchaîne présentement les réseaux sociaux qui, pour la circonstance, se peignent de bleu horizon. D’aucuns s’étranglent d’indignation, arguant que l’offense faite aux morts relèverait du crime contre la Patrie. L’extrême droite, qui n’en manque pas une, a sorti la grosse caisse à des fins d’ensemencer le terreau de l’indignation nationale, un refrain, un leitmotiv qui lui fut pourtant si familier…

Aurait-on le front de rappeler que ces lieux de mémoire, ainsi qu’il est convenu d’appeler de si chichiteuse façon ces champs de bataille qui viennent à encombrer nos esprits, n’ont jamais connu la sérénité qu’il sied d’observer en ces ossuaires?

130105092331595570A l’aube du siècle passé, le roi Poincaré, un fameux va-t-en-guerre, avait été brocardé avec une virulence inouïe pour avoir esquissé un sourire sur ce même champ de bataille. Il avait gagné un surnom qui lui colla comme mélasse: « L’homme qui rit dans les cimetières ».

Les gazettes du moment s’étaient surpassées en des termes qui seraient présentement passibles du cachot.

filer-of-german-chancellor-helmut-kohl-and-former-french-president-francois-mitterand_635807Plus proches de nous, l’ancien roi de Prusse, le Géant noir du Palatinat, Helmut Ier, flanqué de François le Fourbe, s’étaient laissés camper, « la mano en la mano » en ce même endroit, à des fins de sceller la réconciliation éternelle de la Prusse et de la France. Les gazettes de l’époque avaient ironisé de bien irrévérencieuse façon en peignant le roi de Prusse menant son petit garçon à l’école.

Pour cette édition, le roi de France et la reine Angela s’étaient entendus à des fins de magnifier l’événement et ainsi sortir du cérémonial conventionnel, empesé et poussiéreux de la commémo’, assorti de médailles et de larmichettes.

Caramba! Ce fut raté! Complètement raté! Le bide, le four!

Monsieur Schlöndorff, requis pour la circonstance, signa une scénographie des plus cul cul la praline, empreinte d’une naïveté qui aurait fait les beaux jours d’une association caritative en veine d’inspiration.

A vouloir ainsi sortir des sentiers battus, des sentiers de la gloire, le risque de se fourvoyer est immense.

Caramba! Ce fut un triomphe!

Le roi de France et la reine de Prusse, otages d’un cérémonial qui, avec le temps, se peint des allures d’une pénitence obligée, assortie de la gravitude et de la grandiloquence qui sont le calvaire des dynasties régnantes, avaient l’air de s’emmerder aussi profondément que dans un après midi en maison de retraite.

Du rappeur Black M, blacklisté sous la pression d’une droite et d’une extrême droite soudainement chavirés d’une observance patriotico-chatouilleuse, il ne resta que les tambours de guerre, cabossés avec un soin vétilleux, censés conférer quelque intensité dramatique à une liturgie pompée sur celle d’une parcours de santé au Bois de Boulogne.

Croix de bois, croix de fer, « Krieg gross Malheur ». Commémo’ gross Malheur aussi.

Retirer la loi travail, ou presque

Rien ne serait plus désastreux pour le gouvernement que de retirer le projet de loi sur la réforme du Code du travail. Il serait vu comme cédant aux pressions de syndicalistes minoritaires, comme incapable de réussir une réforme, et surtout une réforme à laquelle il tient particulièrement. Et, comme l’a dit le Premier ministre, c’est l’idée même de réforme qui mourrait alors. A l’inverse, il y a aussi d’excellentes raisons de retirer ce texte. D’abord, il est très mal parti, depuis sa conception : sa première version, qui ne visait en fait qu’à faciliter le licenciement, pouvait difficilement convaincre qu’elle allait permettre de créer des emplois ; les innombrables versions suivantes, issues de négociations tous azimuts, ne pouvaient aboutir qu’à des résultats totalement contradictoires. A la CGT, on accordait le maintien du tarif des heures supplémentaires pour les transporteurs et l’extension du Code du travail aux franchises, à la CFDT l’inversion (dans l’article 2, qui occupe plus du quart de l’ensemble du texte) de la hiérarchie des normes, donnant pouvoir aux syndicats majoritaires de négocier avec le patronat des accords d’entreprise dérogatoires aux accords de branche, au grand soulagement des patrons.

La nouvelle version de la loi, qui vise ainsi à contenter tout le monde, ne satisfait plus personne, au point qu’aujourd’hui si chacun veut publiquement qu’on la modifie, nul ne serait mécontent qu’on la retire, à condition de ne pas en porter la responsabilité. Ce texte convient encore moins aux chômeurs, puisqu’on n’y débat plus de leur formation. Et si le projet contient une avancée, avec le principe du droit à la formation attaché à la personne, il n’est pas garanti dans ce texte obscur et pas plus financé. Enfin, pourquoi faudrait-il garder un texte qui sera évidemment, s’il devient loi au ¬forceps, remis en cause par le prochain président de la République et la prochaine majorité ? Il ne fait malheureusement pas partie de ces progrès sociaux si évidents que, une fois votés, ils sont irréversibles.

Ce désastre s’explique aisément : le projet initial n’était pas clairement pensé, ne s’inscrivait pas dans une vision du monde, dans une conception claire de l’évolution du marché du travail et des conditions du salariat : il en est resté à la pathétique bataille des soi-disant « partenaires sociaux » qui ne pensent qu’à préserver leurs privilèges et leur influence, même au détriment de l’intérêt général, dont ils ne sont pas comptables. Aujourd’hui, il est trop tard et trop tôt à la fois pour remettre en chantier un projet de loi qui échangerait flexibilité contre sécurité, et qui assurerait une vraie formation diplômante et qualifiante à ceux qui voudraient ou devraient changer de métier. Le gouvernement doit choisir : garder le texte et passer en force, en ne faisant que des mécontents, ou retirer le texte et perdre la face.

Pour ma part, quand un tel choix binaire m’est proposé, je cherche toujours à lui échapper. C’est ici possible : alors que le débat va se concentrer sur les amendements à apporter à l’article 2, pour le vider de son contenu, je propose de faire l’inverse. Garder l’article tel quel parce qu’il offre une vraie démocratie dans l’entreprise en poussant les salariés à se syndiquer pour obtenir des avancées sociales. Et renoncer au reste du texte, pour rédiger une loi sur la formation professionnelle des chômeurs, dont le pays a tant besoin et dont les syndicats n’ont que faire. Cette solution serait la moins favorable aux intérêts tactiques des divers groupes de pression, et la plus favorable aux intérêts à long terme du pays. C’est sans doute pour cela qu’elle ne sera pas retenue.

j@attali.com

Loi Travail: en coulisses, les cadeaux du gouvernement aux syndicats

SNCF, RATP, aviation civile… Une nouvelle semaine de contestation contre le projet de loi Travail débute ce lundi. Pour le moment, l’exécutif promet de ne pas céder sur le contenu du texte, en particulier sur l’article 2. Et mise sur les négociations sectorielles.

Déminer, étape par étape, chacune des négociations sectorielles à l’origine de la crise sociale qui secoue le pays depuis des semaines. Tel est, aujourd’hui, le défi du gouvernement pour tenter d’en finir avec les manifestations et autres opérations de blocage contre la loi El Khomri. Il ne pouvait sans doute en être autrement, depuis que François Hollande et Manuel Valls ont tous deux exclu toute réécriture de l’article 2 du projet de loi, malgré les appels du pied de Bruno Le Roux ou encore de Michel Sapin. Pour le Premier ministre, il s’agit aujourd’hui d’une question de crédibilité. Un recul sur l’article 2 le fragiliserait sérieusement, certains estimant même qu’un tel scénario finirait par lui coûter sa place à Matignon.

La loi Travail, un moyen d’amplifier la mobilisation?

A la CGT, la très grande majorité des tracts appelant à la grève dans les différentes branches fait directement référence à la loi El Khomri. Reste que derrière cette unité de fond, les revendications divergent fortement en fonction des secteurs. « Les protestations initiées par la CGT s’appuient sur une convergence de revendications sectorielles qui n’ont rien à voir avec l’article 2 et donnent son ampleur au prétendu rejet de la loi Travail, devenue symbole des protestations », dénonce ainsi ce lundi dans les colonnes des Echos un « ténor du gouvernement ».

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A la SNCF, par exemple, les syndicats s’engagent avant tout dans le cadre des négociations visant à réorganiser les conditions de travail des cheminots. A la RATP, on espère plutôt l’ouverture de négociations sur les salaires, tandis que les syndicats de l’aviation civile réclament l’arrêt des baisses d’effectifs et la renégociation de leur cadre social et indemnitaire.

Peut-on, dès lors, considérer la fronde contre la loi Travail comme un prétexte pour unifier les contestations? Non, se défend auprès de L’Express Mohamed Oussedik, membre du bureau national de la CGT. « A la SNCF, on ne parle souvent que des cheminots, mais il faut rappeler que cette entreprise a un usage croissant aux CDI de droit privé. De nombreux secteurs sont impactés: l’accueil, les services, la restauration par exemple. Il faut aussi penser à l’ouverture du rail en France, qui concerne aussi bien les marchandises que le transport de voyageurs. »

A la SNCF, un « putsch » gouvernemental

Au-delà de la fronde de la CGT, il semblerait que le gouvernement peut d’ores et déjà se targuer d’une réelle avancée dans le cadre des négos à la SNCF. La CFDT vient en effet de lever son préavis de grève après que la direction a présenté de nouvelles propositions. Tout s’est fait très rapidement, puisque le brouillon du relevé de propositions n’a été présenté aux syndicats que dimanche soir.

Et le gouvernement n’a pas fait dans la demi-mesure, puisqu’il a, selon nos informations, totalement repris la main sur le dossier pendant le week-end. Résultat: la direction de l’entreprise publique n’assume plus du tout des propositions qu’elle est censée avoir formulées. Une source interne parle même d’un texte qui « n’est pas conforme à (ses) ambitions ».

La CFDT sort une fois de plus comme grande gagnante dans cette affaire. Contactée par L’Express, une source syndicale se félicite de propositions à même de « révolutionner le dialogue social au sein de l’entreprise ». Rien que ça. Concrètement, le syndicat réformiste, dont le secrétaire national défend aujourd’hui ardemment la loi Travail, vante la possibilité de modifier le régime de travail par accord dérogatoire, « lorsque des conditions économiques locales ou sectorielles particulières le justifient », en consultant non plus les délégués du personnel mais les délégués syndicaux centraux.

« Cela obligera les syndicats à assumer de A à Z la signature de certains accords, alors que certains, comme la CGT, n’hésitent pas aujourd’hui à signer des accords sectoriels et qu’ils font mine d’être inflexibles au niveau national », lance une source syndicale. « Nous, on hésitera pas à accepter certaines concessions si elles permettent de sauver des emplois. »

Une stratégie efficace?

Tout n’est pas encore joué à la SNCF. Pour le moment, la CFDT et la SNCF (ou plutôt le gouvernement) ne se sont entendus que sur un « brouillon ». Le texte final sera soumis au vote le 6 juin. Et l’aval de la CFDT ne suffira pas pour obtenir sa validation. Il faudra encore glaner l’indispensable soutien de l’Unsa, qui a maintenu son préavis de grève pour ce mardi. La direction de la SNCF espère encore que le texte sera modifié en sa faveur d’ici là.

« Il n’y a pas de consigne pour lâcher telle ou telle chose (…). Ça ne se passe pas comme cela dans la réalité et il ne peut être question de méconnaître les intérêts d’une entreprise publique », jurait ce lundi encore aux Echos une source à Matignon. Le dossier de la SNCF prouve le contraire. Le gouvernement, quand il en a les moyens, n’hésite pas à intervenir directement dans les dossiers pour tenter d’enrayer la mobilisation syndicale.

Cette stratégie peut trouver à s’appliquer dans les autres entreprises du secteur public. On peut penser à la RATP ou encore aux contrôleurs aériens de la DGAC. A l’inverse, le champ d’action de l’exécutif sera sans doute plus restreint dans le privé. Exemple avec les routiers, qui craignent de voir leurs rémunérations diminuer drastiquement avec l’entrée en vigueur de la loi El Khomri. Pour calmer leur colère, le secrétaire d’Etat aux Transports Alain Vidalies a promis que leur régime dérogatoire ne serait pas remis en cause sur les questions salariales. Mais la CGT attend un engagement concret. « Aujourd’hui, on a juste une promesse écrite du secrétaire d’Etat. Ce n’est pas suffisant, la loi ne protège pas du tout les routiers », dénonce Mohamed Oussedik. Le gouvernement cédera-t-il aussi sur ce dossier? Contactés par L’Express, ni l’Elysée, ni Matignon, ni le secrétariat d’Etat aux Transports n’ont donné suite à nos sollicitations.