Les électeurs du FN : des structures sociales stables

Entre 2012 et 2015, le niveau de soutien au FN a fortement progressé dans toutes les catégories de la population.Au final, le profil socioculturel de cet électorat a peu varié. L’éducation reste la variable décisive. Faire des études ouvre sur d’autres cultures, apprend à raisonner de manière autonome, à refuser les simplifications et les préjugés. Si le Front national attire des intellectuels, des énarques, des universitaires, en accord avec ses idées, les probabilités de voter pour lui sont toujours d’autant plus élevées que la personne a fait peu d’études. C’est chez les personnes qui ont une formation technique courte (CAP, brevet professionnel) que le parti lepéniste fait ses meilleurs scores, chez celles qui ont au moins fait un deuxième cycle universitaire les plus mauvais (respectivement 45 % et 15 % des suffrages exprimés). Échouer au bac ou être orienté au préalable vers des filières courtes condamne aux petits boulots ou au chômage et suscite un ressentiment auquel les immigrés servent facilement d’exutoire, surtout parmi les nouvelles générations arrivant sur le marché du travail. De même, comme du temps du père, le FN réussit mieux dans les fractions populaires de l’électorat. Chez les ouvriers, les plus touchés par la crise, les plus exposés au chômage, les plus mécontents du gouvernement en place, il atteint un score record de 52% des suffrages au premier tour. Il a plus de mal à percer chez les classes moyennes et supérieures (20 % chez les cadres et professions intellectuelles supérieures, 23 % chez les professions intermédiaires). Ces élections ont toutefois été marquées par un taux élevé d’abstention, 50 % au premier tour et 42 % au second. Et les catégories socialement et culturellement défavorisées ont une propension plus marquée au retrait. Au moins 43 % des ouvriers de l’enquête ne sont pas allé voter au premier tour (contre 40 % en moyenne)66 . Recalculé par rapport aux inscrits, le score des listes FN chez les ouvriers est de 30 %, contre 17 % aux listes de gauche et 11 % aux listes de droite. La majorité des ouvriers inscrits sur les listes électorales n’a donc pas voté pour le FN, même s’ils pèsent lourd dans l’électorat du Front national. Si on leur ajoute les employés, ces milieux populaires représentent 46 % de l’électorat du FN au premier tour des régionales et 48 % au second (contre moins d’un tiers dans l’électorat total à cette élection), phénomène qui caractérise la plupart des partis de droite radicale en Europe, dans un contexte de recul du vote de classe et de montée des enjeux non économiques.