Le comte Rebs plaque le roi comme une vieille chaussette

images- Azincourt, Sedan, Waterloo ! Le roi arrache ses derniers cheveux : la colère l’empourpre contre le comte Rebsamen qui prend ses cliques et ses claques à des fins de regagner sa bonne ville de Dijon, délaissant ainsi un ministère maudit dont la charge tournait au supplice.

– Capitulation devant l’ennemi ! Douze balles dans la peau ! Le traître, il déserte, renonce, abdique, nous laisse seul dans l’adversité, nous fait passer pour guignol, jocrisse, bonimenteur ! Nous qui avions fait de la lutte contre le désœuvrement la pierre angulaire de notre règne, inscrit ce serment en lettres d’or sur les tables de notre doxa, nous voici marrons, Gros-Jean comme devant.

Ainsi que vous le lisez, ma chère et tendre, le roi, écrevisse, peste, vitupère, râle, engueule à tout va, morigène ministres et laquais, botte le cul de son labrador.

Couac magistral

Artois qui jusques alors s’ennuyait comme dans un après midi en maison de retraite, reprend des couleurs et plisse ses yeux de serpent.

– Quel couac magistral ! Du travail d’orfèvre ! Décidément, ces sans culottes ne cessent de nous surprendre et nous éjouir de leur maladresse. Ma chère marquise, faut-il vous confesser, sous le sceau du secret, que nous les regretterons. Dans le registre de la comédie bouffe, ce sont des maîtres, des princes ! Songez que le roi, le Flou, vient à peine de mander à ses sujets, une fois encore tout à rabâcher, qu’il entendait terrasser le fléau du désœuvrement quitte, pour ce faire, à pipoter les chiffres, et voici que son ministre du Travail le largue comme une vieille chaussette ! Si les enjeux n’étaient point si graves, nous nous tordrions les côtes de rire. Quel flagrant démenti ! Que retiendra-t-on de cette défection en pleine bataille ? Ha ! Tout ingénument que le ministre du Travail, si peu convaincu de son combat contre l’hydre à sept têtes, a préféré jeter l’éponge et se barrer tel un mari volage parti acheter des allumettes pour ne jamais revenir.

Brutalement tiré de sa torpeur estivale, Artois, ainsi que vous le lisez, ma mie, pète le feu !

Echec

– Pour le Flou, c’est une catastrophe ! Voici peu encore, ne se faisait-il fort d’en finir avec le désœuvrement ? Combien de fois nous a-t-il corné les oreilles avec ses boniments de marchand de bagnoles trafiquées ! Pis encore, le comte Rebs fait ses malles après avoir clamé sans fard que la lutte contre le chômage était, selon ses propres dires, un échec ! De là à mander que le roi ne raconte que des craques… Pauvre Flou, le voici donc à subir un second camouflet en quelques jours.

Et Artois de souligner le plus perfidement du monde que la reine de Prusse n’a fait aucun cas de sa suggestion d’établir un gouvernement de l’écu, assorti d’un Parlement ad hoc.

Une humble bergerie corse

– Il se mande à Berlin que la reine et son sinistre des Finances, le désopilant comte Schaüble ont jugé cette proposition tout bonnement délirante et qu’il leur seyait de considérer que le roi de France avait forcé sur le picrate en se rêvant roi d’Europe, seul à sortir la Grèce de son naufrage, seul encore à souhaiter que l’on réformât les institutions. Souvenez-vous, marquise, que le Flou avait d’ailleurs pris la plume à des fins d’éclairer nos lanternes sur ce brûlant dossier, mais sa prose avait été tout au plus accueillie avec une déférence polie, et lue d’une fesse pour le moins distraite. Ses sujets, tout à leur exode estival, sacrifiaient à l’immuable rite pastaga, tongs et merguez. La Cour s’étant vidée de ses adeptes, le Flou s’en vient d’ailleurs à prier pour que la défection du comte Rebs ne fasse trop de vagues. Le Ciel l’entendrait-il ? Monsieur de Sarcosie roucoule en Corse dans un humble bergerie, faisant son content de figatelli et de châtaignes. Singerait-il Marie-Antoinette saisie par les fièvres du naturalisme ? Bernique ! Certaines gazettes, toujours à piquer le cul du Bref, se font un délice de rapporter que ladite bergerie a été louée au prix d’un palais d’Orient et que le Bref y mène vie de pacha. Chez la Marinella, l’on s’étripe à coups de rapière : c’est le bordel en la pirogue. La Cour s’est égaillée, laissant le roi à mariner bien seul dans son amertume. Il espérait souffler un peu, prendre quelque repos et s’assoupir en ses jardins, veillant à ne point hâler sous le soleil de la paresse. Caramba ! Encore raté !