Débat de la primaire à gauche sur BFMTV: « Je n’ai aucune désinvolture »

Dimanche 15 janvier, BFMTV, RMC et iTélé organisent le deuxième débat de la primaire socialiste. Parmi les journalistes présents, Ruth Elkrief, qui a accepté de répondre aux questions de L’Express.

Ruth Elkrief fait partie des journalistes, aux côtés de Laurence Ferrari, d’iTélé, et de Laurent Neumann, de RMC, à animer le deuxième débat de la primaire de gauche. Ils seront sept candidats à devoir convaincre les téléspectateurs que leur programme est le meilleur: Manuel Valls, Vincent Peillon, Arnaud Montebourg, Benoît Hamon, Sylvia Pinel (PRG), François de Rugy (écologie) et Jean-Luc Bennahmias (Union des démocrates et écologistes).

La journaliste de BFMTV n’en est pas à sa première campagne présidentielle. Pourtant, elle est toujours aussi passionnée, comme elle le confie à L’Express.

Comment prépare-t-on un débat avec sept politiques?

Ruth Elkrief: On lit tous les programmes, vraiment à fond. C’est vraiment très différent d’une interview traditionnelle, en tête-à-tête. Là, l’idée c’est de mettre en évidence les propositions des uns et des autres, leur faisabilité, d’être pédagogique plutôt que de trouver la question la plus désagréable possible. Il faut aussi aider les Français à s’emparer des programmes. Après, ça ne nous empêche pas d’être incisif et de chercher la petite bête, c’est notre travail.

Vous faites des répétitions ou tout est spontané?

On ne répète pas vraiment, non. Ce qu’on fait, avec Laurence Ferrari et Laurent Neumann, c’est qu’on prépare nos questions phrase par phrase ensemble, et ensuite on fait un peu de dispatching. Pendant le débat, on communique entre nous d’un seul regard pour se dire ce qu’on garde, ou pas.

Quelle est la différence avec le débat de la droite, auquel vous avez également participé?

C’était effectivement un peu différent. A droite, il y avait un ancien président, plusieurs anciens Premiers ministres… Les générations étaient différentes aussi. Il y avait aussi ce parfum de scandale politico-financier… C’était donc plus délicat et complexe. Là, on est dans une primaire plus « classique ».

C’est donc mois excitant?

Non. Le président François Hollande était de gauche. C’est un très gros enjeu pour toute une partie de la gauche. Ils ont aussi tous ou presque été anciens ministres, et Manuel Valls Premier ministre… On n’y va pas avec de la désinvolture, bien au contraire. On a le souci d’être équitable, on reste très concentré.

Comment veillez-vous au temps de parole?

Une horloge va être installée. On aura l’oeil dessus. Là aussi, c’est très différent d’une interview traditionnelle! Parfois, on se retrouve à interroger un candidat pendant quatre minutes sur un sujet qu’il ne maîtrise pas forcément, parce qu’il est en retard. C’est un exercice inédit.

Vous avez un favori pour cette primaire de la gauche?

Non, je n’ai pas d’affinité spécifique avec les candidats. Je les connais, bien sûr, je les interviewe, mais c’est tout. Avec un débat comme ça, on ne peut pas faire de pronostic. C’est important de respecter chaque candidature.

Vous pensez que le public va être passionné par la primaire de la gauche autant qu’il l’a été par celle de la droite?

On l’espère, bien sûr! C’est important pour le renouvellement du parti socialiste. Et pour connaître le casting définitif de la présidentielle. On n’a jamais vécu une année comme ça. Il y a une véritable dramaturgie, on ne sait pas qui va s’affronter. Je pense que les Français ont envie de savoir.

Combien d’élections présidentielles avez-vous couvert depuis le début de votre carrière?

[Elle réfléchit] 1988… Ma cinquième? Non, non, c’est ma sixième.

Qu’est-ce qui a changé depuis, en tant que journaliste politique?

L’info continue. Quand j’étais chez TF1, je partais le matin, je rentrais le soir… Là, on est 24 heures sur 24 sur l’actu, les candidats, eux, sont sous un examen permanent. Ils sont sans cesse suivis par des caméras, s’expriment sur internet. A chaque déclaration, c’est commenté, cela fait scandale… L’approche du temps a complètement changé. La réactivité doit être immédiate et la contrainte de l’exemplarité pour les candidats, qui est juste et justifiée, peut aussi être très dure. Parfois, on est plus sur des postures que sur des programmes.

Est-ce que ce changement de rapport au temps a rendu votre métier plus difficile?

C’est beaucoup plus contraignant, mais aussi globalement plus passionnant. On est tout le temps sur le qui-vive.

Les réseaux sociaux ont-ils changé votre façon de travailler?

Je pense aux réseaux sociaux, oui, ça rentre dans mon fonctionnement. Il y a peu de temps, j’ai fait une interview de candidat avec un fond rose et je me demandais si ça allait être raillé sur Twitter… Mais je ne fonctionne pas non plus que comme ça, sinon je ne ferais pas mon métier. Je ne poserais pas telle ou telle question. Quand je fais une interviews, je ne pense pas aux réseaux sociaux et je ne la construis pas non plus en fonction du buzz qu’elle pourrait faire. Mais je sais, évidemment, que ça existe.

En quoi votre trio de journalistes sera-t-il différent des autres?

Je crois qu’avec Laurence Ferrari, lors du débat de la droite, on avait une forte complicité. On se comprend en un quart de tour. On s’était bien préparées et il n’y avait pas d’ego dans la distribution de parole. L’objectif n’est pas d’être vu mais que eux, les candidats, soient bons. On veut faire un débat vivant et s’effacer devant les candidats.