Hollande osera-t-il limiter les avantages des présidents de la République?

Le Conseil d’Etat a rejeté ce mercredi la requête formulée par l’association Anticor, qui estimait que le statut des présidents de la République, qui accorde aux ex-chefs de l’Etat de nombreux avantages, était « juridiquement inexistant ».

Le Conseil d’Etat vient-il d’enterrer la polémique sur la rétribution et les avantages accordés aux anciens présidents de la République? Ce mercredi après-midi, la juridiction administrative suprême a décidé de rejeter le recours formé par l’association Anticor contre le statuts des anciens chefs de l’Etat français. Une décision attendue, dont la première conséquence pourrait être de freiner d’éventuelles ambitions de réforme.

Pour rappel, le statut des présidents de la République ne repose que sur un courrier écrit en 1985 de la main de Laurent Fabius, alors Premier ministre, puis transmis à François Mitterrand, alors chef de l’Etat. Il n’a jamais été publié au Journal officiel. Ce qui justifierait, selon Anticor, son invalidité. « Soyons sérieux, on a un Premier ministre qui a rédigé en toute opacité un courrier au président de la République pour lui accorder de nombreux avantages, s’agace auprès de L’Express Jean-Christophe Picard, le président de l’association. Il ne faut pas être dupe, il a écrit à l’époque ce qu’on lui a demandé d’écrire. On connaît le fonctionnement de la Ve République. »

10 millions d’euros par an

Dans le détail, les anciens présidents de la République se voient accorder une rétribution, jusqu’à la fin de leurs jours de 65 000 euros brut par an, une voiture avec deux chauffeurs, sept collaborateurs, un appartement de fonction meublé, deux personnels de maison, des lignes téléphoniques ainsi que de la gratuité des réseaux ferrés et aériens. Aujourd’hui, l’ensemble de ces avantages représentent un coût de dix millions d’euros par an, aux frais du contribuable, selon un rapport de la Cour des comptes, commandé en 2014 par François Hollande, révélé le 20 septembre dernier par Mediapart.

Pour l’association Anticor, ces avantages, non limités dans le temps, posent aujourd’hui problème. L’exemple de Nicolas Sarkozy est, selon eux, parlant. Ils se demandent si le prédécesseur de François Hollande, qui se positionne pour 2017, ne serait pas susceptible de mettre ces avantages payés par le contribuable au service de sa campagne. Ce qui créerait, toujours selon eux, une rupture d’égalité entre les candidats.

Ce mercredi, le Conseil d’Etat a exposé un argumentaire inverse. La juridiction considère que ces moyens humains et matériels « n’ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet » de financer une campagne électorale « à laquelle un ancien président de la République aurait décidé de se porter candidat. Elles ne créent donc pas, conclut la juridiction, une rupture d’égalité entre les candidats à l’élection présidentielle. » Pour elle, le fait que le courrier n’ait pas été publié au Journal officiel ne remet aucunement en cause sa validité.

Un débat avant tout politique

« En tant que juriste, je crois que cette décision participe grandement à la simplification des normes, ironise Jean-Christophe Picard. Plus besoin d’une loi ou d’un décret, plus besoin de soumettre la norme au Parlement, il suffit d’un courrier entre le Premier ministre et le président de la République. »

Le débat est sans doute un peu plus complexe qu’il n’y paraît. René Dosière, député socialiste de l’Aisne, a travaillé cette année sur une proposition de résolution visant à réformer le statut des anciens présidents de la République. « Juridiquement, je pense qu’il n’y a pas grand chose à redire à la décision du Conseil d’Etat, qui a suivi les recommandations du rapporteur public. » Pour lui, le débat n’est de toute façon pas juridique, mais politique. « La question aujourd’hui, c’est de se demander si les avantages accordés aux anciens chefs de l’Etat ne mériteraient pas un débat public, et un échange avec les parlementaires. Je le crois. »

Dans le rapport commandé il y a deux ans par François Hollande, les experts de la Cour des comptes préconisaient une limitation des avantages dans le temps. En divisant par deux le nombre de collaborateurs au bout de dix ans, notamment. Ils conseillaient aussi de justifier les dépenses de représentation et les déplacement effectués avec la voiture de fonction. « En février, les retours que j’avais sur le sujet montraient que l’Elysée semblait ouvert à une réforme. C’est la raison pour laquelle j’ai soumis ma proposition de résolution au groupe socialiste, qui n’a depuis pas donné suite. Ce que je crains, c’est que plus la présidentielle approche, plus cela devienne difficile de lancer le débat. Contacté par L’Express, l’Elysée fait savoir que la question n’a pas encore été tranchée. La balle est plus que jamais dans son camp.